Guillevic 2016linoines la renouée aux oiseaux UA-98678848-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 mars 2013

Chronique d'une journée moyenne

 

 

 

Doucement tu laisses ruiner les vergers d’octobre, l’ocre verdit des pruniers et des trembles, les rives argentines de la rivière sous les pluies pleines de silence. On partira pour Lisbonne ou Turin. On verra le jet d’eau des marbres et des églises, de beaux ciels en abîmes. Autour de nous, pas pressés, tout serré, petit vrai grand rêve d’après-midi d’instants d’automne qui étonnent. Le vent coule croisé sur la route et le rose carmin d’un charme bleuit la treille. On traversera le pays où quand quelqu’un meurt on enterre son nom dans un grand pré dormi par les fleurs. On versera le vin et les frêles notes d’un piano feront trembler l’ivoire odalisque des salles. Au creux du ciel ocre doux bruiné on verra le Livre. Les sons vifs et contristés qui prédisent les magies du lendemain. Sur une route brève, dévorée de bruyères et d’édifices dans l’air, on verra Rappalo et les Cinque Terre, la Tentation de Saint Antoine peinte par Brueghel dans la petite église de Gênes. La mer et les terrasses laisseront passer dans le soupir du vent, le prodigieux musicien, le savant au fauteuil sombre, le promeneur sur la jetée qui sent le clair déluge sourdre des prés, stylistes incomparables parcourus par les doigts électriques et bleus du silence.               

Patrick Laupin. Chronique d’une journée moyenne. Editions La rumeur libre.2012




Patrick Laupin sera aujourd'hui au

Périscope 13 rue Delandine Lyon 2

de 17h à 19h30



 

« De vieilles ombres sont de retour et nous fixent sans trembler. »

Patrick Chamoiseau

 

Ouvrir et lire un nouveau livre de Patrick Laupin, c’est comme ouvrir une nouvelle fois les yeux, et c’est surtout naître puis grandir à la vie. Patrick, une fois de plus, avec Chronique d’une journée moyenne, nous renvoie sans ménagement à notre propre réalité. Ses mots, murmures ou cris, poèmes ou chants, mettent en lumière une vérité fragile ou perdue, mais une vérité blessée et crue. Patrick Laupin est sûrement l’une des voix les plus singulières, et donc l’une des voix les plus précieuses, de ces temps de confusion extrême et de libéralisme sauvage. Sa Chronique répond à la tourmente avec authenticité et profondeur. Patrick est totalement libre de sa parole et du choix de ses actes. Ses fragments se situent au bord de l’abîme, à mi-distance de la prose éclairée, inspirée et légère d’un Christian Bobin, et de l’écriture devenue presque silencieuse mais tellement vitale d’un Bernard Noël. Entre les deux, et à mi-voix, son cœur balance. Entre mystique à l’état brut et révolte ordinaire. Entre tendresse infinie et complète désobéissance. Les livres de Patrick Laupin sont nécessaires comme le bon pain et le vin couleur sang. Son œuvre, tellement essentielle à mes yeux et fatalement à mon goût, résiste à l’usure environnante et témoigne de ce que nous sommes, hommes du désir, à la fois énergiques et impuissants… Oui, oui, j’ai dit : énergiques et impuissants ! En témoignent, simplement, ces deux courtes phrases tirées de son Petit Traité des barbaries banales : « Dans le songe creux hésitant on parle tout seul dans le vent. Le début et la fin semblent tenir en un seul mot. »


Thierry Renard

 



Les commentaires sont fermés.