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22 décembre 2019

L'uomo solo

 

parceque j'ai lu Le métier de vivre entre deux rives

alors que je venais de quitter Toulouse et son île du Ramier où je vivais dans une sinistre cité universitaire

pour une autre , l'île de la Jatte pour travailler  en tant que berceuse dans un désoloir  d'enfants

 

Pavese m'a éclairée sur le métier de vivre et la  douloureuse condition virile pour qui peine à entrer dans les schemes et le désir amoureux.

Jeune femme de 26 ans , j'ai trouvé alors en Pavese un frère ...

 

L'homme seul - qui a été en prison - se retrouve en prison
toutes les fois qu'il mord dans un quignon de pain.
En prison il rêvait de lièvres qui détalent
sur le sol hivernal. Dans la brume d'hiver
l'homme vit entre des murs de rues, en buvant
de l'eau froide et en mordant dans un quignon de pain.

On croit qu'après la vie va renaître,
le souffle s'apaiser, et l'hiver revenir
avec l'odeur du vin dans le troquet bien chaud,
le bon feu, l'écurie, les dîners. On y croit,
tant que l'on est en taule, on y croit. Puis on sort un beau soir
et les lièvres, c'est les autres qui les ont attrapés et qui, en rigolant,
les mangent bien au chaud. On doit les regarder à travers les carreaux.

L'homme seul ose entrer pour boire un petit verre
quand vraiment il grelotte, et il contemple son vin :
son opaque couleur et sa lourde saveur.
Il mord dans son quignon, qui avait un goût de lièvre
en prison ; maintenant, il n'a plus goût de pain
ni de rien. Et le vin lui aussi n'a que le goût de brume.

L'homme seul pense aux champs, heureux
de les savoir labourés. Dans la salle déserte
il essaye de chanter à voix basse. Il revoit
le long du talus, la touffe de ronciers dénudés
qui était verte au mois d'août. Puis il siffle sa chienne.
Et le lièvre apparaît et ils cessent d'avoir froid.

 
CESARE PAVESE
MUSIQUE : LÉO FERRÉ
 

 

20:28 Écrit par Paola Pigani dans Musique, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leo ferre, cesare pavese, l'uomo solo

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