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11 novembre 2021

11 novembre

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©paolapigani

 

 

 

 

 

 

Un arbre est mort ce matin

Tombé

Rue des lilas à 8h30 ce 19 mars 2014

Je ne connais ni son nom si son âge 

Il y a un linceul dans le ciel

Qui  n’atteindra  jamais  ses branches

Un linceul  bleu inutile 

L’élagueur qui  a tué l’arbre

A un Jésus tatoué sur la peau du cou 

 Dans une boutique franchisée

Du  centre commercial  la Part-Dieu

Une  promotion  s’affiche Men in blue :

Moins 25 % sur tous les vêtements bleus

Il y a un siècle

Ceux des tranchées

Portaient l'uniforme Bleu Horizon

 Moi, j’étais un de ces gaillards  de 14-18

Le feu est entré en moi

Par les oreilles

Alors que je les avais bourrées de mie de pain

Les tranchées, ce n’était pas des sauts de loup

Les bêtes c’était nous

La bête c’était moi

J’ai essayé de monter

Dans le bruit

Dans la lumière noire

Dans la poussière

Dans le magma suffocant

Qui déjà brulait mes poumons

 Brulait mes baisers

Qui ne reviendraient pas sur ta bouche

La soif aussi est entrée

Dans ma gorge

Dans mon sang

S’est installée

Dans une demeure vide

Alors je suis monté sur un talus

De là

 J’ai vu

Des amas d’ailes froissées

Des souvenirs de corps

J’ai senti l’odeur des chairs brûlées

L’odeur de l’horizon

 Bleu rouge

J’ai écarté mes bras

J’ai attendu

Je ne suis pas mort

J’ai glissé sur la dépouille d’un officier

Dans le  merdier de la guerre

Je me suis planté au milieu

Sans drapeau sans cri

C’est là que j’ai cru mourir

Depuis je chevauche des nuits sans fin

Je fais corps avec la bête

J’irai jusqu’au  bord du vide

Là où les hommes  auront lâché leurs armes

Promettez-moi quelques cris de flamme[1]

Promettez-moi de mettre les voiles

De courir sans peur

 Que vos talons s’élèvent

Dans la poussière des villes

Des champs

Dans la poussière de vos prières.

Je lègue à l'avenir l'histoire de Guillaume Apollinaire


 Qui fut à la guerre et sut être partout


 Dans les villes heureuses de l'arrière


 Dans tout le reste de l'univers


 Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé


 Dans les femmes dans les canons dans les chevaux


 Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux


  Et dans l'unique ardeur de cette veillée d'armes
[2]

 

 

 

Paola Pigani

 

 

[1] Guillaume Apollinaire, Calligrammes, poème de la paix et de la guerre 1913-1918.

[2] Ibid

 

Texte paru dans l'anthologie consacrée à Guillaume Apollinaire Hommes de l'avenir, souvenez-vous de nous! Sous la direction de Thierry Renard. 

Editions La Passe du vent 

 

 

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