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04 mars 2019

Dix mille êtres dedans

 

 

 

 

 

 

Que fait-on ?

Ce sont les premiers mots de Dix mille  êtres dedans de Béatrice Brérot. Ce On roule entre les pages,  indéfinissable, entité indivisible de la création, énormité palpitante aux flancs d'un monde où nous ne sommes pas encore nommés.

Dix mille  êtres dedans, les premiers, les derniers? Suivons-les.  Essayons. Dans l'éther, dans la boue, là où la langue rend gorge, là où  dire décroche car le poème surgit et tourbillonne. Il faut écouter ce rythme, se laisser avaler, imprégner par ce mantra. Cette " hors concordance des temps" est une incantation, une fièvre qui tournent autour du vivant jusqu'au vertige.

Trop d'eau, de pierre, de ciel,  la montagne est plus que mère et la terre  de se taire ne se tait jamais. Le sens du vide commence là  où rien ne repose sur rien. Et sur les pages, les dessins de Nadège Druskowski, comme des poussières révélant la  peau du monde, participent aussi à ce vertige. Le souffle de Béatrice Brérot pousse toujours plus loin ce qui fonde le vivant, le fracasse. Elle fend l'écorce, cherche  les paroles animales.

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Ce qui est, ce qui lie, ce qui transparaît dans cette langue, une formidable coulée de conscience, du fragile, du futur antérieur. La terre sait, devient friable avant d'absorber cette charge Dix mille  êtres  dans un espace inversé jusqu'à ce  que ce  monde flottant se recompose, jusqu'à ce que s'incorpore la lumière et tout ce qui vit dehors. Humains, oiseaux, arbres se prêtent lèvres, sang et langue d'eau,  langue de terre.

La constellation du ventre prend forme, magique matrice que veille  une armée végétale dont les corps sont des yeux sur autant de feuilles bruissantes, un chant qui envoute et nous laisse nus sous la menace.

 

 L'herbe où nous marchons

frémit dans le corps où nous pensons

 

Terre est un corps où dehors et dedans se confondent, où toute frontière s'abolit. Ce long poème peut se lire comme un manifeste écologique, politique, poétique. Je l'ai reçu comme une autorisation temporaire de résidence sur cette terre, une injection de poésie en intraveineuse. J'ai un peu titubé après sa lecture en pensant à Whitman, Chédid, Rilke, Guillevic. Je me suis ressaisie, Beatrice Brérot est bien vivante, sans autre preuve que sa poésie organique à nulle autre pareille et  Sa voix  ici:  https://archive.org/details/MI287-Beatrice.Brerot-dix.mil...

 

sous les frondaisons de la forêt

sous les frondaisons de la forêt

entre les ombres

hors la tête libre

par milliers à bord des autres

les taches de lumière marchent

elles marchent

embarquent l'orée des mondes

et courent les veines des peuples

 

 

Dix mille êtres dedans. Béatrice Brérot, estampes de Nadège Druzkowski. Color Gang

 

 

 

 

 

 

 

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06 avril 2015

Tic-tac

 

Katia Boutchou

 

 

Tic-tac, tic-tac, tic-tac, tic-tac. Salut, sommeil.

J'aime bien ta voix, j'aime ton chant et ta lueur.

Sans s'arrêter: tic-tac, tic-tac, tic-tac, c'est mon réveil,

accompagné par des cigales et par mon cœur.

 

Entre, mais ne touche pas pas ma douleur:

ça coule, ça craque.

Ça risque d'être répandu aux alentours.

A la question: tic-tac, tic-tac? Réponds: tic-tac,

tic-tac! Comme si c'était la langue de tous les jours.

 

J'espère que tu n'es pas contre cette douce attaque.

Les cheveux des gens, l'herbe de la terre, écoute,

ça pousse:

de cette manière réglée et stricte: tic-tac, tic-tac.

tic_tac, tic-tac, tic-tc, tic-tac. Bonne nuit à tous.

 

 

Katia Bouchoueva Tes oursons sont heureux

Edition Color Gang

19:28 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : katia bouchoueva, tes ours sont heureux, color gang