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29 janvier 2020

Adieu Hubert Mingarelli

 

Une rivière verte et silencieuse, Hubert Mingarelli,©paolapigani

 

Cette herbe poussait si vite que personne ne jugeait utile de couper une herbe qui aurait repoussé le lendemain. Elle commençait derrière les maisons et, me semblait-il, s’étendait aussi loin que la vue portait depuis le sommet du château d’eau. Mais je ne pouvais pas l’affirmer, car je n’étais jamais monté sur le château d’eau.

C’était une herbe mystérieuse.

Je pouvais marcher une heure sans rencontrer autre chose que ces herbes qui me dépassaient d’un demi mètre en hauteur, mais laissaient entrer la lumière du soleil, de sorte qu’il n’y avait rien d’effrayant à y marcher, même sur un kilomètre à l’intérieur.

Une rivière verte et silencieuse, Hubert Mingarelli, éd. du Seuil, 1999

 

 

 

 

"Hubert Mingarelli nous a quittés et notre chagrin est immense.
Il reste aujourd'hui ses livres. Il reste le souvenir de discrètes et pénétrantes rencontres, d'où jaillissent la malice d'un sourire, un regard franc et des constellations de silence. Il reste à arpenter encore et toujours le sillon qu'il a creusé, cette glaise humaine pétrie avec des mots simples.
De livre en livre, nombre de ses textes disent la souffrance, la solitude et la guerre. Ils disent un monde que semble abandonner la lumière, pauvre bateau fantôme à la merci de toutes les tempêtes. Ils racontent l'épuisement, l'exil, la bassesse, les mauvais choix, l'absurde. Mais au milieu de la nuit toujours un feu brûle. Et toujours, à l'aube, un chemin conduit à la source. Ou bien un voyage s'achève dans un murmure fraternel. Dans des histoires souvent sans mots, les gestes de fraternité allument parfois une lumière à faire reculer la haine ou la peur.
Mais la lumière est ténue, l'espérance fragile, le cœur si précaire. C'est pourquoi les livres d'Hubert Mingarelli n'élèvent jamais la voix. Ils prennent en silence par la main, guident à travers les ellipses vers une singulère contrée. Et sans doute, là-bas au détour d'un chemin, et pour toujours, un homme se roule une cigarette et nous regarde avec bonté."

Danielle Maurel