16 novembre 2015
No pasaran
Arrivé de Rome ce samedi matin, l’écrivain Erri de Luca, qui intervenait à 17 heures au premier Salon du livre des lanceuses et des lanceurs d’alerte à Montreuil, commente les attentats et suggère d’organiser une réaction populaire.
«C’est la deuxième fois cette année que je me trouve à Paris au moment d’attentats. En janvier, j’avais été invité à intervenir dans un colloque à la Sorbonne qui se tenait deux jours après la fusillade contre Charlie. J’exprime un soutien de fraternité pour votre pays, pour lequel J’ai de la gratitude. La France m’a bien accueilli, d’abord comme un maçon, puis comme un écrivain, puis comme un coupable de délit d’opinion.
«Il y a une différence avec ce qui s’est passé en janvier. En janvier, c’était le moment de la réponse et du témoignage. Il y a eu cette grande manifestation pour laquelle je donnerais comme titre "no pasaran" ("Ils ne passeront pas"), le slogan de la guerre civile espagnole. Face à l'attaque de vendredi, qui est à une échelle différente, il faut une mobilisation générale de la vie civile, du peuple français. Il faut s’emparer soi-même de la question de la sécurité sans la déléguer à l’Etat. La déléguer à l’Etat, c’est réduire ses propres libertés. En revanche, chacun doit être responsable de ce qui se passe à côté de lui, de son voisin. Il faut lancer l’alerte au niveau zéro de la société, dans un mouvement populaire et de fraternité.
«Accepter seulement la réponse qui vient d’en haut, avec une multiplication des gendarmes dans la rue, n’est pas efficace. Il est quasi impossible d’arrêter des auteurs d’attentats suicide avant. Mais les gens qui vivent autour de ces assassins se sont parfois aperçus de quelque chose et ont préféré se taire. Il faut une grande mobilisation de cette responsabilité civile avec la garantie que les forces de l’ordre créeront un réseau pour exploiter les informations qui remontent. Au niveau du terrain, on peut parvenir à prévenir les attaques. Au moment où elles sont déclarées, on les subit. Il ne faut pas laisser aux seules forces de l’ordre la responsabilité. Elle doit être partagée par le rez de chaussée de la société, comme une lance d’alerte. La militarisation totale n’est même pas efficace.
« Si on ne fait que de la sécurisation militaire, on va aller tout droit dans les bras de l’extrême droite. Il faut une organisation populaire par quartier. Un réseau qui s’organise pour faire de la résistance d’en bas, des quartiers, est à la portée d’un président de gauche. Sinon, il y aura une solution de droite. Aujourd’hui, il faut combattre la peur avec le courage et non par un accroissement de la peur. »
Libération 15 novembre 2015
17:49 Écrit par Paola Pigani | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : erri de luca
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