29 octobre 2016
Les grandes enveloppes blanches
Ce matin , je me suis levée pareille au ciel , le même blanc de céruse et rien qui donne vraiment envie d'enfiler des collants, rien qui donne vraiment envie de bondir;mais j'avais besoin d'aller en ville, je voulais du pain frais et ce vieux livre de Claude Simon. Avant de sortir, j'ai entendu le discours du président de la République à Montreuil Bellay, rendant hommage aux nomades internés en France entre 1940 et 1946. 70 ans après.
Je me suis refait un café.
Dans le métro, j'ai observé un petit garçon écrire sur la porte, des mots invisibles de la pointe de son doigt . Sans doute , ces mots ne lui disaient-ils rien car il a plaqué son oreille sur le caoutchouc entre les deux ventaux comme pour mieux entendre le bruit des rails.C'est alors que j'ai pensé à Alexienne Winterstein , à Raymond Gurême, tous deux rescapés des camps d'internement. Peut-être ont-ils plaqué l'oreille eux aussi contre le poste , peut-être y ont-ils cru à cet hommage, à cette reconnaissance de leurs blessures , de leurs humiliations, peut - être ont- ils plaqué l'oreille comme ce petit garçon contre la porte de leur caravane ou de leur mobil-home pour écouter le bruit de l'histoire quand elle sort des rails.
Dans la librairie Gilbert, rue de la barre, j'ai croisé Charles Juliet. Nous nous sommes embrassés, nous nous sommes rappelé notre dernière rencontre au bal des Ardents... mais non c'était à l'anniversaire de Pandora en novembre dernier... Vous écrivez toujours en poésie? Oui, toujours, il le faut... Il attendait de régler ses achats, pas de livre mais une brassée de grandes enveloppes blanches.
Il y a des jours qu'on glisserait bien dans une grande enveloppe sans destinataire mais Raymond Gurême s'avance vers moi , comme ce soir de novembre 2014 à Lyon.Il ressemble à clown triste, il a l'age de mon père encore vivant.Je suis émue de le rencontrer pour la première fois. Il me montre les cicatrices qu'il a gardées de ses fuites à travers les barbelés de plusieurs camps d'internement. Son incroyable sourire, je le retrouve dans ce portrait unique réalisé par la photographe Jeannette Gregori dont je salue au passage le très beau travail .
( http://www.jeannettegregori.com/galerie/?album=8&gall...
©jeannettegregori
Si nos voix meurent un jour
On accusera le vent
Et les larmes de la terre
ne seront pas les nôtres.
A Raymond Gurême
Alexienne Winterstein m'a inspiré le personnage principal De N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures. paru en 2013 aux éditions Liana Levi.
Tendres pensées vers elle et sa dynastie
17:50 Écrit par Paola Pigani dans Des livres, Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : charles juliet, montreuil bellay, raymond gureme, interdit aux nomades, internement des tsiganes, n'entre pas dans mon ame avec tes chaussures, internement des nomades tsiganes, paola pigani, jeannette gregori
Commentaires
merci infiniment pour ce beau texte chère Paola ! je t'embrasse tendrement
Écrit par : terral | 01 novembre 2016
Merci Claire.Bises d'automne
Écrit par : Pigani Paola | 02 novembre 2016
Très beau passage, sensible et pur comme je les aime, continue, le monde à besoin de ces témoignages et de "veilleurs" authentiques...
Merci ! Je t'embrasse,
Florence
Écrit par : florence BERNARD | 12 novembre 2016
Les commentaires sont fermés.