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16 septembre 2019

L'orchidée du pauvre

 

 

 

Une  alarme portative individuelle  à la main, je traverse les couloirs  d'une  prison de type dernier cri: des falaises de béton armé où le soleil joue des ombres, des passages à ciel ouvert, des volutes de concertina où s'accrochent des nuages clairs. Je vois des prisonniers en bleu de travail rejoindre à pas lents l'atelier. J'entends un rire, l'infime cliquetis des ouvertures automatiques. Je n'entends pas de bruit de clés.  Reconnais à peine celui des pas. Le ciment   absorbe la trace même des semelles épaisses. La vie  semble glisser, faire semblant, des corps se croisent, tendus vers une distance ridicule, un courage éphémère.

On me conduit dans la  salle  socio, un espace frais et nu sous un immense puits de lumière. Je laisse venir à moi un homme tout en  noir et en humour, un autre en blanc, une jeune femme au grand corps de cheval blessé, d'une laideur qui me bouleverse autant que sa voix très douce qui doit venir de très loin, trop loin. Je laisse venir à moi des questions, des souvenirs heureux, des envies de poèmes, des regards d'enfant, des regards inquiets, des regards abimés, des sourires retenus, des sourires évasifs, des sourires doux.

J'écris  sous la première dédicace cette date   9-09-2019, quatre neuf sans coquille, c'est joli comme la formule magique d'un jour qui ne ressemble à aucun autre. Pour le nom de la ville je m'abstiens, on l'oubliera. Au bout de deux heures, je quitte à regret cet îlot de vérité. Avant de franchir les derniers portiques de sécurité, je m'arrête devant une minuscule lande verte  qui lèche les grilles  interminables.

Elles ne sont plus que deux, deux fleurs languides, seules survivantes de la canicule au milieu des tiges sèches, courbées par un petit vent de fin d'été. Je veux connaitre leur nom comme j'ai voulu connaitre ceux de la rencontre  pour les écrire sur la première page des livres. Des hémérocalles me dit-on.

Alors que dans le train du retour, s'agitent encore autour de moi les visages et les voix des captifs, je trouve  sur internet l'orthographe exact et les autres noms de l'hémérocalle : lis d'un jour et orchidée du pauvre.

 

 

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