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15 décembre 2021

Un pan de ciel à découper

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©paolapigani

 

 

Ce que je dis, ce que j'écris

ne tombe pas du ciel

Ce que j'écris est fait de ma vie

Et ma vie est faite avec la vie des autres.

 

Guillevic

 

 

 

 

Certains jours, je voudrais découper des pans de ciel bleu,  les envoyer à qui manque de lumière...

Pensées chaleureuses aux femmes, aux hommes rencontrés, il y a peu dans une des plus anciennes prisons de France grâce à l'association Lire pour en sortir.

 

21:39 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lire pour en sortir, prison, ciel, guillevic

25 septembre 2020

N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît

serrure jardin.jpg

©paolapigani

 

 

 

Rêver, rire, passer, être seul, être libre,

Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,

Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,

Pour un oui, pour un non, se battre, — ou faire un vers

Travailler sans souci de gloire ou de fortune,

A tel voyage, auquel on pense, dans la lune !

N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,

Et modeste, d’ailleurs, se dire : « Mon petit,

Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles

Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! »

Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,

Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,

Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,

Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,

Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul…

 

Edmond Rostand Cyrano de Bergerac

 

 

 

Merci à A. qui entre les murs d'une prison m'a révélé sa passion pour ce texte en ce 24 septembre 2020.

 

16 septembre 2019

L'orchidée du pauvre

 

 

 

Une  alarme portative individuelle  à la main, je traverse les couloirs  d'une  prison de type dernier cri: des falaises de béton armé où le soleil joue des ombres, des passages à ciel ouvert, des volutes de concertina où s'accrochent des nuages clairs. Je vois des prisonniers en bleu de travail rejoindre à pas lents l'atelier. J'entends un rire, l'infime cliquetis des ouvertures automatiques. Je n'entends pas de bruit de clés.  Reconnais à peine celui des pas. Le ciment   absorbe la trace même des semelles épaisses. La vie  semble glisser, faire semblant, des corps se croisent, tendus vers une distance ridicule, un courage éphémère.

On me conduit dans la  salle  socio, un espace frais et nu sous un immense puits de lumière. Je laisse venir à moi un homme tout en  noir et en humour, un autre en blanc, une jeune femme au grand corps de cheval blessé, d'une laideur qui me bouleverse autant que sa voix très douce qui doit venir de très loin, trop loin. Je laisse venir à moi des questions, des souvenirs heureux, des envies de poèmes, des regards d'enfant, des regards inquiets, des regards abimés, des sourires retenus, des sourires évasifs, des sourires doux.

J'écris  sous la première dédicace cette date   9-09-2019, quatre neuf sans coquille, c'est joli comme la formule magique d'un jour qui ne ressemble à aucun autre. Pour le nom de la ville je m'abstiens, on l'oubliera. Au bout de deux heures, je quitte à regret cet îlot de vérité. Avant de franchir les derniers portiques de sécurité, je m'arrête devant une minuscule lande verte  qui lèche les grilles  interminables.

Elles ne sont plus que deux, deux fleurs languides, seules survivantes de la canicule au milieu des tiges sèches, courbées par un petit vent de fin d'été. Je veux connaitre leur nom comme j'ai voulu connaitre ceux de la rencontre  pour les écrire sur la première page des livres. Des hémérocalles me dit-on.

Alors que dans le train du retour, s'agitent encore autour de moi les visages et les voix des captifs, je trouve  sur internet l'orthographe exact et les autres noms de l'hémérocalle : lis d'un jour et orchidée du pauvre.