14 mars 2020
Une forêt en marche
Le ciel s'éclaire doucement à la fenêtre. Les médias, les consignes, injonctions des pouvoirs publics, leur martèlement ne couvrent pas encore tout à fait le chant d'une tourterelle à 8h, ne réussiront pas à faire que ce printemps soit captif. Il nous reste nos jambes, il nous reste nos yeux, notre faim, notre soif, les grandes et minuscules preuves du vivant.
Depuis ce matin, je suis une forêt en marche. Des arbustes, des surgeons, de mes poèmes se sont dépliés. Vendredi avant qu'ils apprennent la fermeture de leur école en Auvergne, pour une durée indéterminée, des enfants m'ont offert un livre composé de leurs textes et photos de leur danse en forêt. Je n'ai pu recueillir ce cadeau magnifique à pleines mains ( La semaine de la poésie étant annulée , vous pouvez cependant sur le site découvrir les poèmes des auteurs invités http://lasemainedelapoesie.assoc.univ-bpclermont.fr/ ).
Je les regarde en pensée, au présent de l'envie et partage quelques extraits :
Je suis un arbre
Le vent violent me secoue
L’automne approche de mes feuilles
Toutes douces
Lentement je me couche
Joseph
Tronçonneuse
Scie
Hache
Aïe
Ma sève coule j'ai mal
Sacha
Je suis un arbre
Brillant
Je suis le coucher du soleil
L’arbre des dieux
Lilian
Je suis un arbre
Sac à patates
Gros
Je suis serré
Dans mes petites lumières
Léa
Je suis un arbre
Mes feuilles se secouent
La musique tombe
Neyssa
Je suis un arbre
Qui marche
Qui marche dans les prés
Qui marche dans les jardins
Qui marche dans la forêt
Je cherche un temple
Paul
Ils font sauter les mots comme des cordes à jouer, ces poètes de moins de 7 ans avec leur langue des commencements, sans arrière pensée. Avec leurs syllabes à bonheur, ils jouent à être des arbres. Ils s'habillent d'écorces de papier canson ou de crépon, de sacs à patate, écrivent les mots de leurs métamorphoses. Ils prennent part au printemps des poètes avec leur enseignante Catherine.
Mille merci pour leurs flocons de joie sur ces jours de mars.
Ce soir après avoir attendu que le soleil renverse son écuelle derrière la vieille bâtisse de l'hôpital, j'entre dans la danse des arbres. Ma tristesse en tombe de fatigue. Je cherche un banc pour profiter des derniers rayons de chaleur; j'attends que la corneille posée là, me cède sa place.
Je vous souhaite un printemps inexorable
Pablo Neruda
11:04 Écrit par Paola Pigani dans Poésie, Un printemps inexorable | Lien permanent | Commentaires (0)
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