18 juillet 2017
Le sang des autres
Nous nous penchons un peu sur le vide qui nous sépare. Il fonce sur moi, et moi je baisse la tête comme pour qu’il s’y troue. Nous nous soudons encore une fois. Je lève ma lame.
J’attrape un tel coup dans le flanc que la haine me reprend et d’une détente je lui entaille le poignet.
Son sang jaillit. Ma tête tourne et je tombe.
Ils sont partis.
Je n’ai d’autre envie que de me coucher.
Je me traine jusqu’à mon wagon. Je m’étends sur la banquette.
Ma chaussure est mouillée de sang. Je me sens mouillé du côté douloureux.
Je relève la chemise déchirée et trouve la blessure : c’est une fente rouge avec des bords blanchâtres. Le sang coule dans le creux de la hanche, mes mains ne peuvent plus le retenir. Il est beau, il est précieux, et il s’en va.
Et je m’émerveille que de moi qui ai mangé tant de vase, bu tant de pluie, mâché tant de nourritures grises, sorte une substance si rouge.
J’éprouve un contentement grave, parce que quelque chose va commencer pour moi, parce que maintenant je vais vivre ou mourir, et que ce sera également nouveau.
Luc Dietrich L’apprentissage de la ville
18:45 Écrit par Paola Pigani dans Des livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : luc dietrich, editions le temps qu'il fait
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