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01 décembre 2019

Sans bagage

 

 

 

Tu t'imposes le vide, fermes les yeux

le quai de la gare s'emplit soudain 

de silhouettes fantômes

elles s'avancent vers toi

sans bagage

à peine vêtues de chagrin et d'ivresse

tu reconnais chacune d'entre elles

mais elles passent sous tes yeux

et regagnent leur nuit

bien au delà de ta mémoire

tu ne pourras jamais faire le vide

l'écriture commence là

dans les salines de ton regard

tourné vers l'intérieur. 

 

©paolapigani

 

 

 

laurent LB 3.jpeg

©laurentlevybencheton

29 novembre 2019

La petite dame en noir

 

 

Reims     s  r i e m

dans le désordre des lettres on pourrait lire riem  rien

 une femme qui croit

peut-être n'être rien

quand elle s'avance vers moi

avec sa chevelure blanche  

 son cabas contre la jambe ensevelie sous un manteau sombre

sans livre à dédicacer sans rien me demander

seulement me dire avec son beau visage et sa bouche à claire voie

  l'écriture et  les livres m'ont sauvée

à ma question naïve ou stupide elle répond

écrire, moi ? Je  ne saurais pas

 j'ai quitté l'école à onze ans

s'ensuit le récit de son enfance dans le Nord Pas de Calais

de sa  voix lente,  timorée, elle l'écrit déjà , son histoire

un mot après l'autre, caillouteux dans la gorge

et je vois la fillette qui trébuche sur un panier de lessive

  10 petits frères et sœurs tout autour du ventre

 à mener sur les chemins de rivière et de ronces, ses mains rougies de froid, 

je vois dans  l'eau limpide de ses yeux la force sauvage de  son corps d'enfant,

un petit soldat sans rêve

et pourtant

à ma  question suivante  sur les livres qu'elle aime,

 elle me  répond  les histoires vraies

et ajoute d'une voix qui s'éclaire soudain

mon livre de chevet c'est les souffrances du jeune Werther

Voilà me dis-je , cette femme me confie son trésor , ce long poème romantique qui l'accompagne, son histoire vraie

je la regarde s'éloigner de son pas humble, la tête plus haute, le regard tourné vers où?

je ne sais.

 

 

 

Oui, certes, je ne suis qu'un voyageur, un pèlerin sur cette terre! Qu'êtes-vous donc de plus?

Goethe. Les souffrances du jeune werther

 

 

16:13 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : reims, goethe

16 septembre 2019

L'orchidée du pauvre

 

 

 

Une  alarme portative individuelle  à la main, je traverse les couloirs  d'une  prison de type dernier cri: des falaises de béton armé où le soleil joue des ombres, des passages à ciel ouvert, des volutes de concertina où s'accrochent des nuages clairs. Je vois des prisonniers en bleu de travail rejoindre à pas lents l'atelier. J'entends un rire, l'infime cliquetis des ouvertures automatiques. Je n'entends pas de bruit de clés.  Reconnais à peine celui des pas. Le ciment   absorbe la trace même des semelles épaisses. La vie  semble glisser, faire semblant, des corps se croisent, tendus vers une distance ridicule, un courage éphémère.

On me conduit dans la  salle  socio, un espace frais et nu sous un immense puits de lumière. Je laisse venir à moi un homme tout en  noir et en humour, un autre en blanc, une jeune femme au grand corps de cheval blessé, d'une laideur qui me bouleverse autant que sa voix très douce qui doit venir de très loin, trop loin. Je laisse venir à moi des questions, des souvenirs heureux, des envies de poèmes, des regards d'enfant, des regards inquiets, des regards abimés, des sourires retenus, des sourires évasifs, des sourires doux.

J'écris  sous la première dédicace cette date   9-09-2019, quatre neuf sans coquille, c'est joli comme la formule magique d'un jour qui ne ressemble à aucun autre. Pour le nom de la ville je m'abstiens, on l'oubliera. Au bout de deux heures, je quitte à regret cet îlot de vérité. Avant de franchir les derniers portiques de sécurité, je m'arrête devant une minuscule lande verte  qui lèche les grilles  interminables.

Elles ne sont plus que deux, deux fleurs languides, seules survivantes de la canicule au milieu des tiges sèches, courbées par un petit vent de fin d'été. Je veux connaitre leur nom comme j'ai voulu connaitre ceux de la rencontre  pour les écrire sur la première page des livres. Des hémérocalles me dit-on.

Alors que dans le train du retour, s'agitent encore autour de moi les visages et les voix des captifs, je trouve  sur internet l'orthographe exact et les autres noms de l'hémérocalle : lis d'un jour et orchidée du pauvre.

 

 

05 août 2019

cadeau

un flacon d'été empli d'herbes sauvages du thym des Alpes, empli de ses chemins d'été 

la chanson d'une vie  qui traverse sa nuit 

je choisis cette langue de sel pour lui dire merci

terre et sel.jpg

10:21 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

01 août 2019

Des orties et des hommes lecture de Jean-Pierre Quincarlet

 

Quand on m'envoie un retour de lecture , j'en apprends toujours un peu plus sur mes propres livres et ...la nature humaine. Délicat de  partager les messages personnels que je reçois  mais chaque courriel ou lettre de papier, transmis par voie postale, par mon éditrice ou par mail m'éloigne un peu de l'aridité traversée entre deux livres  et m'offre une certaine fraicheur fraternelle.

 

Merci Jean Pierre!

 

 

Chère Paola 

Grand admirateur de Marie-Hélène Lafon (dont je crois avoir lu tous les ouvrages), c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu votre dernier livre, Des orties et des hommes. Il y a bien des points communs entre l’univers de Pia et celui des personnages de Marie-Hélène Lafon, bien des divergences aussi. La plaine charentaise est certes différente des hauts plateaux du Cantal. Mais vous décrivez toutes deux une ruralité en train de disparaître, un monde très dur qu’un fossé de plus en plus large sépare d’une société dont l’industrialisation accélérée bouleverse les conditions de vie. Comme chez Marie-Hélène Lafon, on trouve dans votre récit le dilemme qui se présente aux habitants de ces campagnes en perte de vitesse : partir ou rester. Partir, c’est le destin presque inéluctable des filles, surtout si elles ont suivi leurs études avec succès. Comme l’écrit Marie-Hélène Lafon : « Les filles surtout sont voués à partir et le font par l’école, les études, le travail qui se trouve dans les villes ; je ferai comme toutes, je serai les autres. » (Traversée). Face à cette alternative, la narratrice de Des orties et des hommes se demande comment certains peuvent faire le choix de l’attachement à la terre : « Pourquoi la vie est-elle si claire pour certains ? Rester dans un seul univers, embrasser une géographie intime, être captif des mêmes arbres, des mêmes cultures. Ce qui coule de source, le secret de la continuité. Pour les autres, peut-être, mais je sens bien qu’il va me falloir pousser au-delà. » (Page 282). Mais cette possibilité n’est pas offerte à tous et tous ne peuvent se résoudre à ce départ. L’avenir est sombre, cependant, pour ceux qui s’accrochent à cette terre ingrate et leur obstination les conduit dans une impasse, quand ce n’est pas à un drame. Chez Marie-Hélène Lafon, cette différence de destinée se traduit souvent par l’opposition entre deux frères, dont l’un a réussi sa vie en partant loin du « pays » et l’autre est resté embourbé dans une glaise qui l’entraîne vers un destin fatal. Dans Les derniers Indiens, le frère et la sœur sont tous les deux restés, figés dans l’immutabilité des habitudes ancestrales et dans la volonté « que rien ne change, jamais, ne devienne nouveau et étranger»

La singularité de votre roman, c’est que ce déclin du monde rural est vécu et observé à travers le regard d’une enfant (puis d’une adolescente) qui passe graduellement des plaisirs simples que permet, malgré la pauvreté, un entourage aimant à la prise de conscience de l’absence de perspectives laissées par un environnement réduit qui ne peut satisfaire la soif d’ouverture et de connaissances d’un esprit éveillé par la littérature. Cela induit un changement de tonalité au sein de ce livre, qui débute dans la joie et l’innocence puis devient, au fil des pages, de plus en plus sombre et révolté : « Mais une colère me vient parfois, ça monte comme le lait bouillant. » (Page 282). Au premier chapitre, Joël, le « garçon-paysage » aux « yeux plissés dans le secret de sa bonté », salue la voiture dans laquelle Pia trouve des images poétiques pour convaincre sa petite sœur de ne plus avoir peur du noir. Le dernier chapitre nous fait assister à l’enterrement de Joël, sur lequel la narratrice tourne la page de son enfance : « Avec lui s’en va la mémoire des jours où chacun travaillait à ce que rien ne s’affaisse de cette mêlée de rêves et de boue, entre l’eau de la rivière, ce sur quoi on marchait sans savoir. » (Page 290). À la mort de Joël se superpose la disparition d’une campagne qui s’éteint inexorablement : « Le temps d’un infime adieu, me retourner à peine vers ce paysage aimant qui accompagne déjà le grand sommeil de Joël. » (Page 294). Car Pia souffre de cette déchirure, de cet adieu à l’enfance qui est perçu comme une inévitable trahison. « On sera bientôt tous déserteurs. » dit Pia (page 281). Cela fait écho (vous me pardonnerez, j’espère, d’y faire de nouveau référence) aux phrases de Marie-Hélène Lafon, qui, dans Album, écrit : « [Les chemins] nous suivent plus que nous ne les suivons, ils sillonnent en nous dans l’hiver des villes, quand nous avons déserté, si nous désertons. » et dont un personnage, Claire, dans Les Pays, parle de  : « Pays quitté, quitté comme on répudie, comme on déserte. Pour faire sa vie. » Car, comme le chantait superbement Jean Ferrat : « Il n’y a rien de plus normal que de vouloir vivre sa vie ».

Roman d’initiation, d’une certaine manière, Des orties et des hommes suit le parcours de Pia, de Cellefrouin à La Rochefoucauld puis à Angoulême, en attendant le départ vers d’autres horizons. À mesure qu’elle grandit, la campagne autour d’elle semble se rétrécir, se dessécher, s’étioler. Nul doute que la vie est ailleurs, loin de ce « pays premier, séminal et infusé que chacun [porte] en soi » (Marie-Hélène Lafon, Traversée). Car l’empreinte est forte de cette terre de l’enfance : « Ce pays est le mien pour quelque temps encore. Même s’il n’est que de pierre, d’écorce et de terre, je n’ai qu’à le respirer par la peau et garder l’horizon pour voyage. Les frontières tendres, le sorgho et le blé, le maïs trembleront encore sous mes yeux quand j’habiterai une ville. » (Page 211). Vous traduisez fort bien cette ambivalence du pays, source d’appauvrissement, quand il isole et enferme dans son insularité, mais devient terreau fertile pour celui ou celle qui l’investit par l’écriture : « Le pays premier peut être une prison, il peut être un royaume suffisant, une source vive, un trésor. Je ne sais pas bien où passe la frontière entre la chance et le risque, le partir et le rester, l’attachement et l’arrachement ; je cherche à tâtons et suis des chemins ombreux ou troués de lumière qui s’enfoncent dans la terre des origines et partent dans le monde. » (Marie-Hélène Lafon, Traversée).

Les derniers chapitres de ce roman, écrit dans une langue belle et poétique, m’ont, je l’avoue, empli de tristesse. Pourtant, il faut imaginer Pia heureuse, peut-être grâce à l’écriture : « Les mots se dresseront pareil dans le silence et dans la vie. » (Page 295). Si l’on en croit Marie-Hélène Lafon, « Écrire et partir c’est le même mouvement vital, ça ne se sépare pas. »(Traversée).

Merci, chère Paola, pour ce très beau roman.

Très amicalement,

Jean-Pierre

01 mai 2019

Sans muguet

cadeau d'un lecteur.jpg

d'un geste il raffle la mise d'un printemps fragile

la rue ce premier mai brûle de vérité

il veut l'entendre de loin

la révolution

qui partira ventre à terre  

depuis l'humus des bois jusqu'à la fonte des machines à bobiner

 

 

09 avril 2019

Cadeau d'un lecteur

cadeau des lecteurs soupe d'ortie.jpg

29 mars 2019

Féminin masculin

cadeau des lecteurs des orties et du lierre.jpg©j.pigani

10:34 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

12 mars 2019

Cadeau d'une lectrice

cadeau des lecteurs  Des orties et rimbaud.jpg

 

09 mars 2019

Cadeau d'un lecteur

 

 

 

Une photo de Pablo Neruda prise à Valparaiso  dans une enveloppe donnée  discrètement lors d'une dédicace à la librairie Sauts et Gambades de Dieulefit.

 

 

 

 

Je vous souhaite un printemps inexorable

 

Pablo Neruda