Une jeune hongroise quitte son pays pour fuir la misère paysanne et vient travailler dans une usine près de Lyon, qui fabrique une toute nouvelle matière textile synthétique : la viscose.
À travers ses yeux, assez lucides, se dévoile l’âpre vie des ouvriers : la routine abrutissante du travail à la chaîne où l’humain disparaît derrière la machine, les 10 heures de travail par jour, les vapeurs nocives, le poids des chefaillons, les difficultés pour se loger, manger, garder son emploi… S’y dévoile la misère humaine, financière, sociale, morale, affective, qui isole, engloutit l’homme dans la masse des pauvres.
Et pourtant, il y a aussi la solidarité, l’esprit de communauté et le mélange des cultures, les liens qui se nouent à travers les grèves et les combats pour une vie meilleure, et puis il y a les bals où l’ont peut danser et oublier pour un temps la douleur du quotidien.
Le fil de ce roman, ce sont des histoires intriquées : les vagues d’immigrés en ce début du XXe siècle, les luttes politiques entre fascisme et communisme, l’essor des syndicats et les grands mouvements de grève qui vont aboutir au Front populaire, une certaine France xénophobe, le spectre de la guerre.
Le regard de spectatrice que semble avoir l’héroïne sur sa propre vie donne à lire un entre deux : Il y a d’un côté la vérité de l’usine et de la vie qui est très longuement décrite et de l’autre les moments de joie tels que le cinéma, les promenades ou les bals qui ne sont qu’évoqués, effleurés comme une autre réalité lointaine, comme un souvenir ou un espoir avec une certaine légèreté, un détachement, comme s’il valait mieux disparaître, devenir transparent pour se mettre à distance du malheur et continuer à croire aux lendemains qui chantent.
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