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22 septembre 2021

Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle

 

À propos de Et ils dansaient le dimanche, de Paola Pigani1

Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle

Dans ce roman empathique, Paola Pigani réussit avec grâce et « sororité » à restituer le combat pour son émancipation d’une jeune ouvrière hongroise au cœur de la France des années 1930.

« L’immense façade blanche s’étire encore sur une centaine de mètres, et l’enfilade de grandes baies vitrées impressionne toujours autant. Un gigantesque paquebot de trois étages posé dans cette zone de Vaulx-en-Velin en pleine réhabilitation. Désormais, seuls « l’allée du textile » et le surnom du quartier – « le quartier de la soie » - rappellent le passé ouvrier des lieux et le poids industriel que l’usine Tase a eus dans la région lyonnaise durant des décennies. » C’est en ces termes que Pierre Petitcolin débute son récent article paru dans L’Humanité, consacré au 8e des 10 lieux de la mémoire ouvrière2, une des séries estivales du quotidien. Et c’est précisément le cadre qu’a choisi Paola Pigani pour son nouveau roman Et ils dansaient le dimanche.
Il nous plonge durant sept ans - entre 1929 et 1936 - dans l’histoire de Szonja, jeune femme hongroise. Elle quitte son pays natal, les travaux champêtres et la misère auxquels elle est promise, dans un train de l’espoir bondé de jeunes en quête d’une autre vie. Szonja partage cette aventure avec sa cousine Márieka : « Tous suivront la voie tracée dit-on par MM. Gillet et Chatain. De bon patrons les attendent en France, convoitant depuis 1923 une main d’œuvre servile et bon marché, qui ont cru en l’avènement de la viscose, cette soie artificielle dont se vêtent déjà à bas prix toutes les femmes d’Europe, dont on va pouvoir fabriquer les meilleurs parachutes pour la prochaine guerre3 ». Dès la première page, le décor est ainsi planté : ce sera le complexe industriel de la Sase (Soie artificielle du Sud-Est) qui prendra le nom de Tase en 1935 (Textile artificiel du Sud-Est).

À leur arrivée à la gare de Lyon-Perrache, Szonja et Márieka sont prises en charge –.comme de nombreuses autres travailleuses qui ont émigré - par les sœurs du Très-Saint-Sauveur qui dirigent un foyer catholique, l’hôtel Jeanne-d’Arc. Une institution créée en 1926 par Mme Gillet elle-même, l’épouse du grand patron. C’est que ce patronat paternaliste veille à tout pour mieux contrôler ainsi cette vaste cité industrielle (elle comptera jusqu’à 3 000 salariés). Une sorte de phalanstère cosmopolite composé de main d’œuvre principalement polonaise, italienne, hongroise, espagnole et française : « Elles se retrouvent dans un bouillon de langues et d’accents avec l’impression d’être dans un pays neuf, fusant de mille histoires.4 » Le travail est très pénible, l’amplitude journalière interminable. La santé est altérée par la manipulation de substances chimiques dangereuses sans les protections nécessaires, et par l’atmosphère empoussiérée et saturée d’humidité. « L’été à l’usine, on soupire dans la chaleur, les mains irritées de poussière humide, étourdis par les émanations chimiques, la sueur en collier défait jusqu’à la poitrine. Le rythme du turbin augmente la peine, peine du travail, peine du soleil invisible.5 » 
Paola Pigani brosse par petites touches exemptes de misérabilisme et de manière très documentée le portrait de cette vie ouvrière avec sa main d’œuvre précaire, essentiellement immigrée. Au croisement permanent de l’Histoire sociale de la première moitié du XXe siècle et de l’histoire singulière d’une jeune Hongroise qui connaît aussi l’ennui des dimanches. « Aujourd’hui, Szonja regarde son petit dimanche s’égoutter à la fenêtre. » Un ennui perforé certains jours par les balades au-delà du quartier, au-delà même du château d’eau et des champs. Toujours plus loin, vers Villeurbanne ou Lyon que Szonja va s’autoriser à gagner au fil des années et de l’assurance conquise.

Car ce roman, c’est aussi et avant tout l’histoire d’une émancipation. La (re)naissance d’une jeune femme qui s’éveille à une conscience de classe et va participer aux luttes du milieu des années 30. Pour cela, la rencontre puis la proximité avec les ouvrières italiennes mieux organisées seront déterminantes. Face à la menace de la crise économique consécutive au krach boursier de 1929 et à celle des ligues factieuses (les répliques du 6 février 1934 ne sont pas oubliées), la lutte embrasse deux objectifs.
D’une part, se faire accepter par les ouvrières et ouvriers français –elle sera aidée par la rencontre de Jean qu’elle va épouser, ce qui lui permettra d’acquérir la nationalité française, même si cette union malheureuse sera une autre épreuve pour elle.
D’autre part, conquérir sa dignité d’ouvrière et dépasser sa solitude individuelle grâce à la solidarité au sein de la communauté de travail. À ce propos, l’effervescence des mois qui précédent le Front Populaire est propice aux luttes et l’usine Gillet connaîtra tous ces soubresauts, la solidarité organisée, les avancées sociales arrachées localement et amplifiées par les accords Matignon du 8 juin 1936.

Le roman s’achève dans un tour de valse effréné – la danse, comme métaphore de la liberté conquise et de la légèreté oublieuse des peines et du dur labeur. Il nous laisse imaginer une suite qui ne sera pas le Grand Soir au vu du cataclysme mondial en gestation. Cependant, Szonja sera sans doute mieux armée désormais pour affronter les pires épreuves.

Paola Pigani une fois encore sait nous rendre tout proches ses personnages, par une écriture fraternelle –« sororelle » – qui touche profondément. « En rêvant le personnage de Szonja, j’ai cherché à reconstituer la condition des viscosiers, dont on connaît peu de choses en définitive, loin des légendaires canuts de Lyon. Comme ma jeune Hongroise, j’ai posé le regard sur le quotidien de leur cité ouvrière.7» Un regard empli d’empathie pour ces gens de peu dont le combat afin de vivre debout et résister à tous les périls suscite le respect voire l’admiration.
Comment ne pas insister enfin sur la langue magnifique de Paola Pigani, une langue poétique8 qui transcende la condition modeste de Szonja et de ses camarades, et les métamorphose en héroïnes d’une épopée moderne. En exergue de son roman, l’auteure cite notamment Marina Tsvetaïeva9 :
« Mais la plus belle victoire sur le temps
et la pesanteur
c’est peut-être de passer
sans laisser de trace
de passer sans laisser d’ombre. »
En définitive, Paola Pigani n’a-t-elle pas réussi aussi la performance de nous permettre de discuter ces mots de la grande poétesse russe ?
                                                                                  Michel Laplace, 19-9-2021

1 Ėditions Liana Levi
2 Pierre Petitcolin, Quand l’usine Tase faisait la gloire de Vaulx-en-Velin, L’Humanité 11-8-2021
3 Paola Pigani, Et ils dansaient le dimanche p. 13, 4 p. 39, 5 p.172, 6 p 52
7 Document de présentation du roman, Ėd. Liana Levi
8 Paola Pigani est en effet romancière et nouvelliste… et poétesse
9 Marina Tsvetaïeva, Se faufiler, Insomnies et autres Poèmes, Après la Russie 

 

Un grand Merci à Michel Laplace pour cet article sensible et profond

09 février 2021

Stèle pour deux exilés

 

 

C'est avec joie  que j'ai découvert hier ce trés bel article de Michel Laplace à propos de mon dernier recueil La chaise de Van Gogh.

Je le remercie chaleureusement.

 

 

 

 

À propos de La chaise de Van Gogh, de Paola Pigani, Ed. la Boucherie littéraire

Stèle pour deux exilés

Paola Pigani, poétesse, romancière, nouvelliste, publie un nouveau recueil de poèmes La Chaise de Van Gogh, dans laquelle elle réunit dans un même hommage l’artiste et son père récemment disparu. Une réussite étincelante.

Aharon Appelfeld débute ainsi son dernier livre publié post mortem en France, à l’automne dernier : « Sur mes chemins d’écriture, je retourne sans relâche dans la maison de mes parents, en ville, ou celle de mes grands-parents, dans les Carpates, ainsi que dans les lieux où nous avons été ensemble. J’ai dit « je retourne » mais je voudrais aussitôt me corriger : je suis toujours dans ces maisons, même si elles n’existent plus depuis longtemps. Ce sont mes lieux inébranlables, des visions qui m’appartiennent et dont je m’approche pour les vivifier… La plupart du temps, le retour à la maison est une joie qui s’accompagne d’une vive émotion.1 » En découvrant La chaise de Van Gogh, le nouveau livre de Paola Pigani, on se dit que l’autrice pourrait faire siens ces mots du grand écrivain israélien.

Retour deux ans en arrière : on avait quitté à grand regret Pia - alias Paola - sa fratrie de trois sœurs et un frère, ses parents, inoubliables personnages du roman Des orties et des hommes2 dans leur ferme de Charente, magnifiés par la langue poétique de l’autrice. Et voici qu’à la faveur de ce vibrant recueil de poèmes, apparaît de nouveau Lino, le père. Disparu il y a une poignée années mais resté si vivant dans la mémoire de l’autrice :

« Tout se durcit dans le présent de l’écriture.
Il n’y a qu’un temps pour dire.
Le nombre que nous sommes, rien de l’entame.
Je m’attelle au silence des roses, au silence des pierres
,
aux craquements de la maison vide.
La malle est là, descendue du grenier, sur le ciment
de la cave, est passée de la remise de la mémoire à
une zone de transit.
 »…

Une malle jamais fermée à clé, qui laisse s’échapper plus librement les souvenirs.

Ce surgissement du père s’accompagne de celui de Vincent Van Gogh, et il s’accomplit au pied d’une chaise vide. Celle - célèbre - peinte par Van Gogh dans l’auberge d’Auvers-sur-Oise à la toute fin de sa vie, qui devient par la grâce des correspondances celle du père de Paola, fermier mais aussi ferrailleur orpailleur, comme le décrit avec tendresse sa fille :

« Il y a une chaise sous un hangar
un dieu las pourrait s’y assoir
 »…

…« Ta chaise au dossier cassé où tu t’assoies les dimanches
pour trier la ferraille, le cuivre.
 »…

Et encore :

«  Sur la chaise vide, la paresse jamais n’a pris son aise.
Seul votre corps vertical aux mains savantes
à ourler métaux et couleurs dans la doublure des jours.
Toi Lino, toi Vincent jusqu’aux accrocs de fatigue.
 »

Vincent, Lino, deux exilés en France, l’un depuis les Pays-Bas, l’autre depuis le nord-est de l’Italie avec un passage par les Flandres, qui ont fait des blés leur demeure. L’un et l’autre ont rayonné durant leur vie et ils ont offert en héritage leur attraction solaire à l’autrice. Des correspondances entre les deux hommes, Paola Pigani en distille tout au long de ce recueil qui confectionne une seule et même élégie d’adieu :

« Le noir des mangeurs de pommes de terre.
Des gestes empâtés d’ombre et d’inquiétude.
Les pluies, les brouillards des Flandres
étreignent votre jeunesse,
la privent de lumière.
De ce jaune à naître,
de ce jaune de blé mûr,
des tournesols et du colza.
Vincent, Lino.
Vos yeux trop clairs. »

L’autrice, en labourant ses souvenirs visuels, auditifs, olfactifs, comme son père accomplissait cette tâche avec la terre, parvient à tisser une pièce unique autour des deux figures de l’artiste et du père, artiste à sa façon lui aussi, dans sa lutte avec les éléments, avec la nature, avec les matériaux de récupération qu’il reconditionnait. Une mémoire qui n’oublie pas non plus la brûlure de l’absence :

« Il y a toujours sur les champs peignés de vent cette
onde verte qui me serre le cœur
. »

Point de ravaudage dans cette pièce qui tient d’un seul tenant. En définitive, afin de nous livrer une part primordiale de son panthéon intime, plus qu’un ample habit de lumière, Paola Pigani a ciselé plutôt, avec la richesse et la force de ses mots, une éblouissante stèle. Celle-ci réunit Vincent et Lino, et célèbre avec ferveur leur mémoire en refusant de céder au chagrin :

« Vincent, Lino.
Quelle solitude s’engouffre entre les arbres,
les champs qui tremblent ?
Empoigner la lumière, forcer le jour.
Résister aux tristesses
. »

De la sorte, elle offre aussi une réponse éclatante à l’invitation que l’essayiste Marielle Macé nous adressait récemment : « Soigne ta parole donc, et soigne-toi dans la parole ; fais ta part, attache-toi et arrache-toi comme il faut dans et par les phrases ; prends tes responsabilités par la bouche et par la voix, c’est une tâche écologique que tu as à accomplir, c’est le premier « service écosystémique » que tu as à rendre au monde commun. 3 »

                                                                                     Michel Laplace, février 2021

 

 

1 Aharon Appelfeld, Mon père et ma mère, traduit par Valérie Zenatti, Ed. de L’Olivier 2020
2 Paola Pigani , Des orties et des hommes, Ed. Liana Levi 2019, réédition en collection Picolo 2020

3 Marielle Macé, Parole et pollution, AOC (Analyse Opinion Critique) 28-1-2021


 

 

 

27 janvier 2020

La Charente libre

 

 

La Charente libre


 A propos de Des orties et des hommes de Paola Pigani


Une fratrie de cinq enfants, dans la France rurale des années 1970 : quatre filles et un garçon. Les trois aînés, Valma, Adamo et Dora, puis Pia, la narratrice, et Mila, la petite dernière. Petits-enfants d’immigrés italiens passés par la Belgique et installés en Charente après la Guerre. Le village se nomme Cellefrouin, au nord-est du département. Les « grandes villes » les plus proches sont Chasseneuil et La Rochefoucauld, et plus loin, Confolens ou à l’opposé, Angoulême.
Les parents, fermiers, travaillent dur une terre qui ne leur appartient pas et qui se partage entre cultures céréalières et élevage de vaches laitières. Toute la famille est mobilisée au quotidien et à longueur d’année tant par les travaux agricoles que par les tâches domestiques dans la maison au confort rudimentaire (Pia doit même partager son lit avec sa petite sœur). Au fil des ans, quelques terres achetées, la récupération de ferraille, le labeur incessant et l’entraide permanente de la communauté familiale offriront un peu plus d’aisance. En témoigne la construction d’une nouvelle maison qui éloigne un peu la famille de la vue de la ferme mais pas de son emprise.


Dans ce magnifique récit autobiographique, Paola Pigani, déjà remarquée et primée pour deux autres romans mais aussi des recueils de nouvelles et de poésie, nous emmène irrésistiblement dans le sillage de Pia. Avec elle, nous explorons avec minutie cette France campagnarde des années 70 où « Entre ceux qui vivent de rien et ceux qui vivent de peu, il n’y a pas beaucoup d’envieux par chez nous1 », comme elle décrit ses habitants. Portrait par touches successives en courts chapitres d’une ruralité en pleine mutation, où la vie habituelle en quasi autarcie est percutée violemment par l’irruption de l’agriculture soumise aux rendements, à la PAC et aux traites à rembourser au Crédit Agricole. L’auteure parvient à reconstituer ce monde agricole traversé par les combats entre approches radicalement opposées des représentants de la FNSEA et des Paysans Travailleurs, et bousculé déjà par les premiers suicides de paysans.


A travers les yeux et les oreilles de Pia - cette fille aux semelles de vent qui traverse son enfance et son adolescence en exploratrice sensible, curieuse et attentive, on fait ample connaissance des  attachantes figures familiales : parents, frère et sœurs, grands-parents - Nonna et Nonno Ermacora - installés au hameau de Chavagnac, ainsi que des personnages : l’amie Laure, l’Aboyeur, Joël le bossu, Diamentino, le garçon à l’harmonica, la vieille Armande, le « prêtrouvrier » pour en citer quelques-uns.

Pourtant, ce qui frappe le plus dans ce texte captivant se situe bien au-delà du simple témoignage ethnographique, historique ou encore sociologique sur la ruralité dans la France des années 70, même si on croise la grande sécheresse de 1976, le combat des éleveurs du Larzac, de belles solidarités,  la prévenance envers les personnes âgées esseulées. Même si de nombreux détails nous rappellent aussi de façon régulière cette décennie : l’encyclopédie Tout l’univers, les chansons entendues à la radio, le journal télévisé de Roger Gicquel…


Le récit de Paola Pigani est en effet porté par une langue poétique qui rythme avec énergie et sensualité les micro-événements - la fugue de Valma, le voyage à Lourdes, l’arrivée en pension et la grisaille du collège tenu par des religieuses, le lycée, une veillée mortuaire, le voyage en Italie, la découverte des lettres d’un Poilu à sa famille, et encore tant de rencontres et d’échanges. Une langue qui restitue de manière admirable les nombreuses découvertes sensorielles que Pia cueille et amoncelle au fil de ses escapades virevoltantes dans la nature sauvage. Sans oublier son interrogation sourde quant à ses origines (on n’apprend pas la langue d’origine comme dans beaucoup de familles italiennes par souci de faciliter son intégration).  Et, bien entendu, son attrait pour la littérature et la poésie, autant de ruptures à venir avec sa vie d’origine, déjà inscrites en filigrane.

Il souffle ainsi un vent vivifiant de liberté et de fraternité dans ce récit qui témoigne de la volonté de « fuir les déterminismes pour prendre le risque d’être soi », comme l’exprime si lumineusement l’auteure2. En outre, les dernières pages offrent au lecteur une explication limpide du titre quelque peu énigmatique choisi par Paola Pigani.

Comme l’exprimait si justement Marie Rouanet en 2006 dans sa préface à Concertina, le recueil de nouvelles de l’écrivaine, « Autour du lecteur de Paola Pigani, le monde devient brusquement riche et lourd (de) ce qu’hier il n’avait pas su y lire : l’aventure humaine immémoriale. Aimer, souffrir, attendre, serrer les dents, attendre encore. Pauvre de nous fragiles et malmenés - mais jamais à bout ni de courage ni d’espérance3. »

Au final, on sort à la fois ragaillardi et touché au cœur par la lecture de ce livre de Paola Pigani. Ode aux gens de peu4,  à « une forme de transparence humaine qui lui a été donnée dans cet environnement », et lui a permis « d’aller vers les autres5. »
Grâce à son talent, l’écrivaine parvient à réenchanter le monde de sa jeunesse et nous le donne en partage. Dès lors, plutôt que de commenter à l’infini cette alchimie de la mémoire qui ravive tous ses souvenirs, mieux vaut s’empresser de découvrir ou reprendre son livre et de s’inscrire à la fois délicatement et résolument dans les pas de Pia. Sans oublier de méditer, en forme de contrepoint, ces quelques lignes de Nietzsche qui invitent à d’autres débats : « Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d'oublier, ou pour le dire en termes plus savants, la faculté de sentir les choses, aussi longtemps que dure le bonheur, en dehors de toute perspective historique. L'homme qui est incapable de s'asseoir au seuil de l'instant tout debout en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu'est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres6

                                                  Michel Laplace, janvier 2020

1 Paola Pigani / Des orties et des hommes / Editions Liana Levi  2019, p. 106
2 https://www.youtube.com/watch?v=lS_IJ0hd4kU
3 Marie Rouanet / Préface à Concertina de Paola Pigani, Editions du Rocher 2006, p.10
4 Pierre Sansot / Les gens de peu / PUF 1991
5 https://www.youtube.com/watch?v=2slV6txeeco
6 Nietzsche / Considérations inactuelles/ A retrouver sur le blog de Paola Pigani : http://paolapigani.hautetfort.com/mon-oeil/