01 août 2019
Des orties et des hommes lecture de Jean-Pierre Quincarlet
Quand on m'envoie un retour de lecture , j'en apprends toujours un peu plus sur mes propres livres et ...la nature humaine. Délicat de partager les messages personnels que je reçois mais chaque courriel ou lettre de papier, transmis par voie postale, par mon éditrice ou par mail m'éloigne un peu de l'aridité traversée entre deux livres et m'offre une certaine fraicheur fraternelle.
Merci Jean Pierre!
Chère Paola
Grand admirateur de Marie-Hélène Lafon (dont je crois avoir lu tous les ouvrages), c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai lu votre dernier livre, Des orties et des hommes. Il y a bien des points communs entre l’univers de Pia et celui des personnages de Marie-Hélène Lafon, bien des divergences aussi. La plaine charentaise est certes différente des hauts plateaux du Cantal. Mais vous décrivez toutes deux une ruralité en train de disparaître, un monde très dur qu’un fossé de plus en plus large sépare d’une société dont l’industrialisation accélérée bouleverse les conditions de vie. Comme chez Marie-Hélène Lafon, on trouve dans votre récit le dilemme qui se présente aux habitants de ces campagnes en perte de vitesse : partir ou rester. Partir, c’est le destin presque inéluctable des filles, surtout si elles ont suivi leurs études avec succès. Comme l’écrit Marie-Hélène Lafon : « Les filles surtout sont voués à partir et le font par l’école, les études, le travail qui se trouve dans les villes ; je ferai comme toutes, je serai les autres. » (Traversée). Face à cette alternative, la narratrice de Des orties et des hommes se demande comment certains peuvent faire le choix de l’attachement à la terre : « Pourquoi la vie est-elle si claire pour certains ? Rester dans un seul univers, embrasser une géographie intime, être captif des mêmes arbres, des mêmes cultures. Ce qui coule de source, le secret de la continuité. Pour les autres, peut-être, mais je sens bien qu’il va me falloir pousser au-delà. » (Page 282). Mais cette possibilité n’est pas offerte à tous et tous ne peuvent se résoudre à ce départ. L’avenir est sombre, cependant, pour ceux qui s’accrochent à cette terre ingrate et leur obstination les conduit dans une impasse, quand ce n’est pas à un drame. Chez Marie-Hélène Lafon, cette différence de destinée se traduit souvent par l’opposition entre deux frères, dont l’un a réussi sa vie en partant loin du « pays » et l’autre est resté embourbé dans une glaise qui l’entraîne vers un destin fatal. Dans Les derniers Indiens, le frère et la sœur sont tous les deux restés, figés dans l’immutabilité des habitudes ancestrales et dans la volonté « que rien ne change, jamais, ne devienne nouveau et étranger»
La singularité de votre roman, c’est que ce déclin du monde rural est vécu et observé à travers le regard d’une enfant (puis d’une adolescente) qui passe graduellement des plaisirs simples que permet, malgré la pauvreté, un entourage aimant à la prise de conscience de l’absence de perspectives laissées par un environnement réduit qui ne peut satisfaire la soif d’ouverture et de connaissances d’un esprit éveillé par la littérature. Cela induit un changement de tonalité au sein de ce livre, qui débute dans la joie et l’innocence puis devient, au fil des pages, de plus en plus sombre et révolté : « Mais une colère me vient parfois, ça monte comme le lait bouillant. » (Page 282). Au premier chapitre, Joël, le « garçon-paysage » aux « yeux plissés dans le secret de sa bonté », salue la voiture dans laquelle Pia trouve des images poétiques pour convaincre sa petite sœur de ne plus avoir peur du noir. Le dernier chapitre nous fait assister à l’enterrement de Joël, sur lequel la narratrice tourne la page de son enfance : « Avec lui s’en va la mémoire des jours où chacun travaillait à ce que rien ne s’affaisse de cette mêlée de rêves et de boue, entre l’eau de la rivière, ce sur quoi on marchait sans savoir. » (Page 290). À la mort de Joël se superpose la disparition d’une campagne qui s’éteint inexorablement : « Le temps d’un infime adieu, me retourner à peine vers ce paysage aimant qui accompagne déjà le grand sommeil de Joël. » (Page 294). Car Pia souffre de cette déchirure, de cet adieu à l’enfance qui est perçu comme une inévitable trahison. « On sera bientôt tous déserteurs. » dit Pia (page 281). Cela fait écho (vous me pardonnerez, j’espère, d’y faire de nouveau référence) aux phrases de Marie-Hélène Lafon, qui, dans Album, écrit : « [Les chemins] nous suivent plus que nous ne les suivons, ils sillonnent en nous dans l’hiver des villes, quand nous avons déserté, si nous désertons. » et dont un personnage, Claire, dans Les Pays, parle de : « Pays quitté, quitté comme on répudie, comme on déserte. Pour faire sa vie. » Car, comme le chantait superbement Jean Ferrat : « Il n’y a rien de plus normal que de vouloir vivre sa vie ».
Roman d’initiation, d’une certaine manière, Des orties et des hommes suit le parcours de Pia, de Cellefrouin à La Rochefoucauld puis à Angoulême, en attendant le départ vers d’autres horizons. À mesure qu’elle grandit, la campagne autour d’elle semble se rétrécir, se dessécher, s’étioler. Nul doute que la vie est ailleurs, loin de ce « pays premier, séminal et infusé que chacun [porte] en soi » (Marie-Hélène Lafon, Traversée). Car l’empreinte est forte de cette terre de l’enfance : « Ce pays est le mien pour quelque temps encore. Même s’il n’est que de pierre, d’écorce et de terre, je n’ai qu’à le respirer par la peau et garder l’horizon pour voyage. Les frontières tendres, le sorgho et le blé, le maïs trembleront encore sous mes yeux quand j’habiterai une ville. » (Page 211). Vous traduisez fort bien cette ambivalence du pays, source d’appauvrissement, quand il isole et enferme dans son insularité, mais devient terreau fertile pour celui ou celle qui l’investit par l’écriture : « Le pays premier peut être une prison, il peut être un royaume suffisant, une source vive, un trésor. Je ne sais pas bien où passe la frontière entre la chance et le risque, le partir et le rester, l’attachement et l’arrachement ; je cherche à tâtons et suis des chemins ombreux ou troués de lumière qui s’enfoncent dans la terre des origines et partent dans le monde. » (Marie-Hélène Lafon, Traversée).
Les derniers chapitres de ce roman, écrit dans une langue belle et poétique, m’ont, je l’avoue, empli de tristesse. Pourtant, il faut imaginer Pia heureuse, peut-être grâce à l’écriture : « Les mots se dresseront pareil dans le silence et dans la vie. » (Page 295). Si l’on en croit Marie-Hélène Lafon, « Écrire et partir c’est le même mouvement vital, ça ne se sépare pas. »(Traversée).
Merci, chère Paola, pour ce très beau roman.
Très amicalement,
Jean-Pierre
12:54 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs, Des orties et des hommes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-pierre quincarlet, marie-hélène lafon, des orties et des hommes
29 juillet 2019
Prochaine rencontre en Lozère
ce 1er aout
Livres-Échanges à la librairie Le rouge et le noir,
108 rue Théophile Roussel à Saint-Chély-d'Apcher
08:17 Écrit par Paola Pigani dans Des orties et des hommes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livres-échanges, librairie le rouge et le noir
28 juillet 2019
fatum
Entre elle et lui auraient pu passer
un train
toute une vie pour rien
des chevaux fous
mais c'est une guêpe qui s'est posée
là
sur la lèvre inferieure de la femme
laissant le silence bourdonner
et battre la lumière
il n'a osé toucher ni l'insecte
ni cette bouche
coeur nu dans l'ombre du tilleul
le destin a parfois des petites ailes idiotes.
©paolapigani
12:43 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fatum
19 juillet 2019
Prochaine rencontre en Ardèche
17:41 Écrit par Paola Pigani dans Agenda, Des orties et des hommes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fête du livre de chalencon, des orties et des hommes
18 juillet 2019
Quand je veux me laver les yeux
J'écoute de nouveau Graeme Allwright qui m'a fait découvrir Cohen et je pleure ...jusqu'à devenir une flaque
22:33 Écrit par Paola Pigani dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : graeme allwright, leonard cohen
16 juillet 2019
De la Terre l'atmosphère
Je n'aime pas la Terre car on dit qu'on y meurt
Mais j'aime ses éléphants ses oiseaux ses grands singes
Et ss tours sur elle-même tours autour du Soleil
Ses saisons ses chateaux ses âmes non sans défauts
Ses ânes ses coqs ses oies ses cailloux ses forêts
Ses jardins ses abeilles mais pardon je radote
J'ai déjà dit cela et puis que j'aime aussi
De la Terre l'atmosphère
Le satellite changeant qui s'épelle la Lune
Influence l'océan l'humeur des coquelicots
Ses hommes remplis d'eau auxquels je n'entends goutte
Valérie Rouzeau. Sens averse, éditions La table ronde
22:22 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valérie rouzeau, sens averse, éditions la table ronde
14 juillet 2019
14 juillet
Manifestation du 14 juillet 1935 de la Bastille à Vincennes. ©FRED STEIN
Parmi les slogans , ce jour là :
démobilisons les bastilles modernes: banques, grande presse, congrégations économiques
16:22 Écrit par Paola Pigani | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 14 juillet 1935, fred stein, la bastille
12 juillet 2019
Cadeau
Hier soir Vinicio Capossela nous a embarqués dans un vaisseau- fantôme entre les murs de l'opéra de Lyon , avec ses sirènes, ses ours, ses chapeaux fous pour un merveilleux voyage au bois de la nuit ( a-il dit en citant Céline dans son français de saltimbanque).
Cette interprétation de l'Estate est magnifique à égalité avec celles de Nougaro et de Chet Baker dont je ne me lasse pas.
12:33 Écrit par Paola Pigani dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vinicio capossella
10 juillet 2019
Sapore di sale
Une mouette se baigne dans la saline
Quand elle s'envole
Elle me laisse son collier d'eau .
©paolapigani
23:38 Écrit par Paola Pigani dans Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ria formosa
06 juillet 2019
Premier été sans elle
premier été sans elle
à chaque anniversaire je souffle
sur n'importe quoi
juste pour sentir l'air sortir de ma bouche
et dire
Mama
le premier mot prononcé peut-être
la goutte de lait perdue au coin des lèvres sur le menton dans le cou
c'est long parfois le chemin d'une goutte d'une seule
premier été sans elle
mes tympans se dilatent pourtant
absorbent aspirent
de plus en plus prompts à boire les sons ,
les mouvements sonores des oiseaux que j'ignorais presque jusque là
à part les corvidés
peut-être ne suis-je plus un corps vidé
je m'emplis d'hirondelles de flamands , de merles
je ne marche plus que dans les rues sans moteur
les yeux au ciel
et voici qu'ils m'arrivent dessus
les oiseaux de l'été
entrent par une oreille
sortent par l'autre
moi qui me croyais déficiente auditive
je deviens la tangeante, la traversante
la renouée aux oiseaux.
©paolapigani
14:57 Écrit par Paola Pigani dans Le coeur des mortels, Musique, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tigran hamasyan, mother where are you, mama dove sei, chant traditionnel arménien, la renouée aux oiseaux