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25 septembre 2021

En passant

feuille d'automne 2.jpg

©paolapigani

 

 

Au seuil de l'automne

s'attacher à la lumière

remercier l'araignée

pour sa leçon éphémère

©paolapigani

 

16:52 Écrit par Paola Pigani dans Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : automne, araignée, éphèmère

22 septembre 2021

Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle

 

À propos de Et ils dansaient le dimanche, de Paola Pigani1

Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle

Dans ce roman empathique, Paola Pigani réussit avec grâce et « sororité » à restituer le combat pour son émancipation d’une jeune ouvrière hongroise au cœur de la France des années 1930.

« L’immense façade blanche s’étire encore sur une centaine de mètres, et l’enfilade de grandes baies vitrées impressionne toujours autant. Un gigantesque paquebot de trois étages posé dans cette zone de Vaulx-en-Velin en pleine réhabilitation. Désormais, seuls « l’allée du textile » et le surnom du quartier – « le quartier de la soie » - rappellent le passé ouvrier des lieux et le poids industriel que l’usine Tase a eus dans la région lyonnaise durant des décennies. » C’est en ces termes que Pierre Petitcolin débute son récent article paru dans L’Humanité, consacré au 8e des 10 lieux de la mémoire ouvrière2, une des séries estivales du quotidien. Et c’est précisément le cadre qu’a choisi Paola Pigani pour son nouveau roman Et ils dansaient le dimanche.
Il nous plonge durant sept ans - entre 1929 et 1936 - dans l’histoire de Szonja, jeune femme hongroise. Elle quitte son pays natal, les travaux champêtres et la misère auxquels elle est promise, dans un train de l’espoir bondé de jeunes en quête d’une autre vie. Szonja partage cette aventure avec sa cousine Márieka : « Tous suivront la voie tracée dit-on par MM. Gillet et Chatain. De bon patrons les attendent en France, convoitant depuis 1923 une main d’œuvre servile et bon marché, qui ont cru en l’avènement de la viscose, cette soie artificielle dont se vêtent déjà à bas prix toutes les femmes d’Europe, dont on va pouvoir fabriquer les meilleurs parachutes pour la prochaine guerre3 ». Dès la première page, le décor est ainsi planté : ce sera le complexe industriel de la Sase (Soie artificielle du Sud-Est) qui prendra le nom de Tase en 1935 (Textile artificiel du Sud-Est).

À leur arrivée à la gare de Lyon-Perrache, Szonja et Márieka sont prises en charge –.comme de nombreuses autres travailleuses qui ont émigré - par les sœurs du Très-Saint-Sauveur qui dirigent un foyer catholique, l’hôtel Jeanne-d’Arc. Une institution créée en 1926 par Mme Gillet elle-même, l’épouse du grand patron. C’est que ce patronat paternaliste veille à tout pour mieux contrôler ainsi cette vaste cité industrielle (elle comptera jusqu’à 3 000 salariés). Une sorte de phalanstère cosmopolite composé de main d’œuvre principalement polonaise, italienne, hongroise, espagnole et française : « Elles se retrouvent dans un bouillon de langues et d’accents avec l’impression d’être dans un pays neuf, fusant de mille histoires.4 » Le travail est très pénible, l’amplitude journalière interminable. La santé est altérée par la manipulation de substances chimiques dangereuses sans les protections nécessaires, et par l’atmosphère empoussiérée et saturée d’humidité. « L’été à l’usine, on soupire dans la chaleur, les mains irritées de poussière humide, étourdis par les émanations chimiques, la sueur en collier défait jusqu’à la poitrine. Le rythme du turbin augmente la peine, peine du travail, peine du soleil invisible.5 » 
Paola Pigani brosse par petites touches exemptes de misérabilisme et de manière très documentée le portrait de cette vie ouvrière avec sa main d’œuvre précaire, essentiellement immigrée. Au croisement permanent de l’Histoire sociale de la première moitié du XXe siècle et de l’histoire singulière d’une jeune Hongroise qui connaît aussi l’ennui des dimanches. « Aujourd’hui, Szonja regarde son petit dimanche s’égoutter à la fenêtre. » Un ennui perforé certains jours par les balades au-delà du quartier, au-delà même du château d’eau et des champs. Toujours plus loin, vers Villeurbanne ou Lyon que Szonja va s’autoriser à gagner au fil des années et de l’assurance conquise.

Car ce roman, c’est aussi et avant tout l’histoire d’une émancipation. La (re)naissance d’une jeune femme qui s’éveille à une conscience de classe et va participer aux luttes du milieu des années 30. Pour cela, la rencontre puis la proximité avec les ouvrières italiennes mieux organisées seront déterminantes. Face à la menace de la crise économique consécutive au krach boursier de 1929 et à celle des ligues factieuses (les répliques du 6 février 1934 ne sont pas oubliées), la lutte embrasse deux objectifs.
D’une part, se faire accepter par les ouvrières et ouvriers français –elle sera aidée par la rencontre de Jean qu’elle va épouser, ce qui lui permettra d’acquérir la nationalité française, même si cette union malheureuse sera une autre épreuve pour elle.
D’autre part, conquérir sa dignité d’ouvrière et dépasser sa solitude individuelle grâce à la solidarité au sein de la communauté de travail. À ce propos, l’effervescence des mois qui précédent le Front Populaire est propice aux luttes et l’usine Gillet connaîtra tous ces soubresauts, la solidarité organisée, les avancées sociales arrachées localement et amplifiées par les accords Matignon du 8 juin 1936.

Le roman s’achève dans un tour de valse effréné – la danse, comme métaphore de la liberté conquise et de la légèreté oublieuse des peines et du dur labeur. Il nous laisse imaginer une suite qui ne sera pas le Grand Soir au vu du cataclysme mondial en gestation. Cependant, Szonja sera sans doute mieux armée désormais pour affronter les pires épreuves.

Paola Pigani une fois encore sait nous rendre tout proches ses personnages, par une écriture fraternelle –« sororelle » – qui touche profondément. « En rêvant le personnage de Szonja, j’ai cherché à reconstituer la condition des viscosiers, dont on connaît peu de choses en définitive, loin des légendaires canuts de Lyon. Comme ma jeune Hongroise, j’ai posé le regard sur le quotidien de leur cité ouvrière.7» Un regard empli d’empathie pour ces gens de peu dont le combat afin de vivre debout et résister à tous les périls suscite le respect voire l’admiration.
Comment ne pas insister enfin sur la langue magnifique de Paola Pigani, une langue poétique8 qui transcende la condition modeste de Szonja et de ses camarades, et les métamorphose en héroïnes d’une épopée moderne. En exergue de son roman, l’auteure cite notamment Marina Tsvetaïeva9 :
« Mais la plus belle victoire sur le temps
et la pesanteur
c’est peut-être de passer
sans laisser de trace
de passer sans laisser d’ombre. »
En définitive, Paola Pigani n’a-t-elle pas réussi aussi la performance de nous permettre de discuter ces mots de la grande poétesse russe ?
                                                                                  Michel Laplace, 19-9-2021

1 Ėditions Liana Levi
2 Pierre Petitcolin, Quand l’usine Tase faisait la gloire de Vaulx-en-Velin, L’Humanité 11-8-2021
3 Paola Pigani, Et ils dansaient le dimanche p. 13, 4 p. 39, 5 p.172, 6 p 52
7 Document de présentation du roman, Ėd. Liana Levi
8 Paola Pigani est en effet romancière et nouvelliste… et poétesse
9 Marina Tsvetaïeva, Se faufiler, Insomnies et autres Poèmes, Après la Russie 

 

Un grand Merci à Michel Laplace pour cet article sensible et profond

04 septembre 2021

La chaise de Van Gogh dans la revue Europe

 

Un grand merci à Michel Ménaché pour son bel article

paru dans le dernier numéro de la revue Europe consacré à Monsieur Vialatte!

 

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Quelques années après la mort de Lino, son père, Paola Pigani lui rend un hommage sensible, d’une grande délicatesse. La chaise de Lino, à l’abandon dans un hangar, lui rappelle aussitôt celle de Van Gogh peinte sur la toile représentant la chambre n° 5 de l’auberge d’Auvers-sur-Oise. Le rapprochement pourrait paraître insolite mais tant de signes de l’un font écho au parcours de l’autre, des ciels d’exil à la couleur des blés : « le rire est ta paille / il vient du soleil récolté, / ta litière où tu laisses la fatigue / des jours heureux. »

Originaire de Trieste, le jeune Lino combat aux côtés des partisans. Captif des Oustachis -mercenaires des nazis-, jusqu’à leur défaite, la misère et la tuberculose le conduisent d’abord au sanatorium. Plus tard, de Wallonie en Charente où il deviendra paysan-ferrailleur : « Aller par les champs pour Vincent. / Aller aux champs pour Lino. / […] Une force solaire vous soulève le cœur. » Pour payer ses dettes Lino, récupère le cuivre des chutes de câbles électriques. Il les rassemble en « fagots ». « Rouille et rebuts du temps perdu. / Ferrailleur orpailleur, tu es. » Alchimie à main nue, Lino sait « changer le cuivre en terre » ! La propriété des Cosses est ingrate mais l’ardeur au travail est partagée par toute la famille -de cinq enfants-. Il faut débarrasser la terre de son excédent résurgent de pierres : « On va aux cailloux. […] Il faudra retourner aux cailloux. » Le langage du père, « paysan-ferrailleur-rieur », est mimé. Connivence joyeuse : « Tes mains parlent. Tes mais se taisent. / Tu sers le rire. » Les Cosses, c’est encore l’exil à l’étroit : « Notre ailleurs tient tout entier / dans le noir des bois. » Quand Paola atteint l’âge de partir, Lino rafistole la poignée de la vieille valise : « Je suis la fille de mon père. » Et quand la vie de Lino, à empoigner chaque jour, « le courage de l’aube », s’achève, la ferme change de mains, vendue à des Anglais qui lui donnent les couleurs d’une résidence campagnarde. C’en est fini des Cosses, des cailloux, de la sueur et des rires ! Nostalgie et tendresse.

Comme Vincent, Lino est enseveli en terre de France : « Mourir en France. Vos baisers à la terre. / La vie plantée là, même à l’envers. » Reste la chaise vide. Et ce magnifique poème d’amour filial qui exprime si justement ce que du vivant de Lino, Paola Pigani n’aurait osé ou su lui dire : « Que suffise le ciel sur tant de douleur et de beauté. »

 

Paola Pigani : La chaise de Van Gogh

Editions La Boucherie littéraire

 

            Michel MÉNACHÉ

 

 

 

 

19 août 2021

L'infime

 

 

araignée,jacques dupin

©paolapigani

 

 

 

 

"Bonheur de vivre à l'affût

d'être touché par l'infime"

Jacques Dupin 



 

22:40 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : araignée, jacques dupin

05 août 2021

orage

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©paolapigani

 

 

Les rues comme nous sont devenues bleues

les passants presque invisibles

sont des traces de mouvements

et nuit sur nuit on voit dedans

 

 

Henri Meschonnic

11:53 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri meschonnic, orage, lyon, la fosse aux ours

21 juillet 2021

La Renouée aux oiseaux dans la revue Dissonances

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19 juillet 2021

La chaise de Van Gogh sur Terre à ciel

 

Roswitha Guillemin la chaise de van gogh.jpg

©roswhitaguillemin

 

Paola Pigani, La chaise de Van Gogh. La Boucherie littéraire, 2021

Avec ce beau recueil, Paola Pigani rend hommage à son père. Lui, qui a quitté l’Italie à l’âge de vingt ans pour rejoindre le maquis yougoslave, puis la Wallonie, qui a fait mille boulots, avant de finalement s’installer en Charentes pour cultiver la terre et élever des vaches, était de la caste des baraqui, ces immigrés italiens partis travailler en Belgique juste après la guerre.

La chaise de Van Gogh, que Paola Pigani a pu découvrir dans la chambre d’une auberge à Auvers-sur-Oise, où Vincent Van Gogh a vécu ses soixante-dix derniers jours, lui rappelle celle toute simple au dossier cassé sur laquelle son père s’asseyait le dimanche pour trier la ferraille, le cuivre.

Une chaise vide,
le temps immobile à quatre pattes.

Le parallèle entre Vincent Van Gogh et Lino, le père, revient de façon récurrente au cours du recueil. Vincent par les champs avec son pinceau, sa palette de couleurs ; Lino dans les champs avec sa faux, sa charrue, la bête, la herse.

À l’auberge d’Auvers-sur-Oise,
on a gardé la chaise de Vincent Van Gogh.
Passée l’ombre, tout reste vivant.
Lui les blés, toi les blés.
Lui le ciel, toi le ciel.
Lui l’alouette, toi l’alouette.
Lui la tristesse, et toi ?
Il aurait aimé tes colzas.
Il a peint les mangeurs de pommes de terre,
l’obscurité à pleines mains, la terre qui donne.

Parti d’Italie, Lino travailla dans les champs de Flandre, puis cumula divers boulots : jardinier dans un château près de Bruxelles, ferrailleur, orpailleur, vendeur de glaces, récupérateur de pièces de voitures, puis, finalement, agriculteur en Charentes.

À travers ce portrait, Paola Pigani se rappelle d’où elle vient, de ses racines italiennes, de ce père dont elle s’était éloignée plus tard pour vivre sa vie, qui avait tant bourlingué et tout fait avec ses mains. Elle se souvient de son rire, son écriture en fibrilles, sa chemise roulée jusqu’aux coudes, ses échappées rêveuses, ses silences, si rares qu’ils en étaient inquiétants, les photos en noir et blanc qu’il conservait dans son portefeuille, sa vieille deux-chevaux.

Elle se souvient de la ferme familiale en Charentes, des moissons, de l’herbe à arracher, L’orge, l’avoine, le maïs / Jambes nues au milieu.

Et de ce qui resta, après son départ : les arbres, les cosses de haricots blancs, les livres aux couvertures tachées, le costume de mariage, la liste du bétail avec le nom des vaches, la chaise vide.

Mourir en France.
Vos baisers à la terre.
La vie plantée là, même à l’envers.
Du froment, du maïs, du sorgho.
Les couleurs bien en chair pour que gagne la lumière.
Que suffise le ciel sur tant de douleur et de beauté.

 

Valérie Canat de Chisy   sur le blog Terre à Ciel

05 juillet 2021

La chaise de Van Gogh

la chaise de Lino.jpg

 

©paolapigani

 

 

Aujourd'hui, joie de lire cet article dans la revue Décharge

"Paola Pigani « revendique une écriture traversière entre poésie et roman… » Et c’est exactement le chemin qu’elle emprunte dans son recueil où elle raconte la vie laborieuse de son père : paysan-ferrailleur-rieur

Et toute sa propre enfance, à cinq enfants, haute en couleurs et en travail dur et âpre, pour le père, en tant que travailleur immigré italien, rejeté dans des baraquements en Belgique, et traité de « macaroni ». Lino, pas loin du Ventura de L’aventure, c’est l’aventure. Rieur.
Les seaux raclent le ciment, / le camion du laitier réveille les murs. Paysan.
Tu dépèces, décarcasses des voitures, / frigos, machines à laver. / Maman met la salade à laver dans des hublots récupérés… Ferrailleur…

On est déjà à la limite du roman et de la poésie, mais c’est le parallèle avec Van Gogh, et l’exil d’un côté et le blé en commun de l’autre entre pinceau et charrue qui offre le rapprochement le plus flagrant et en particulier la chaise du tableau et celle sous un hangar qui lance le recueil.
Une chaise vide, / le temps immobile à quatre pattes. …

Comme la parabole artistique d’une vie de labeur, loin du pays d’origine. Une belle histoire d’amour, d’une famille et la métaphore parfaite entre l’art et la vie.
Parfois une bâche d’ensilage fait un bout de ciel noir / sur un arbre."


15 €. La Boucherie littéraire : 16 impasse du portail neuf – 84820 Visan.

Lire aussi, à propos de La Chaise de Van Gogh, la chronique du 5 juillet sur le site Libération.

 

 

30 juin 2021

Via ferrata

via ferrata.jpg

 

 

" Si j'étais un homme, le père,
à l'âme taillée par le vent et sans besoin de rien dans les choses,
et avec besoin de tout dans les êtres;
si j'étais un homme, le père,
égal à celui que tu es devenu
assis, les yeux plissés,
peut-être pour la belle éternité aux jambes croisées;
si j'étais un homme, le père,
je me mettrai à nager
dans la rivière ruisselante d'humilité
sur laquelle tu vogues , assis, jambes croisées,
les yeux presque clos.
Je ne peux pas bien dire
ce que je découvrirai.
Quel temps immobile comme le héron. "



Un poète s'adresse à son père, ancien cheminot qui déraille doucement . Tous deux secoués durant le voyage chaotique des souvenirs se rejoignent au dessus du vide , " au bord du bout "

"Le bord du bout
C'est l'endroit où le monde se termine
où le corps s'agenouille devant le précipice,
où le pas en avant n'existe plus
et où si tu te retournes tu es pétrifié.
C'est l'endroit ultime du verbe
qui veut héler l'oiseau de vérité. "

 

Fred Pougeard . Via Ferrata.
Éd Thierry Marchaisse .


Ce texte est d'une beauté à pleurer.

 

 

 

12 juin 2021

Prairie miraculeuse

prairie miraculeuse.jpg

©paolapigani

 

 

 

Coquelicots et bleuets face au cœur marbré de la Part Dieu
Oublier les grues
Fouler les fleurs des champs
Où soleil de juin ne saurait mentir
Depuis toujours
Je traverse des prairies miraculeuses

 

21:35 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la part dieu lyon