31 octobre 2021
Une part de nous
©paolapigani
Chaque être perdu emporte une part de nous;
Mais un croissant subsiste,
Que les marées appellent, comme la lune,
Par une nuit troublée.
Émilie Dickinson
Traduction Claire Malroux
12:08 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Émilie dickinson, claire malroux, quatrains
29 octobre 2021
A fendre pierre
©paolapigani
Le monde est plein de voix qui perdirent visage
Et tournent nuit et jour pour en demander un.
Jules Supervielle
08:15 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jules supervielle, le forçat innocent
26 octobre 2021
La vérité de l'immobile temps
©paolapigani
"Tout ce qui naît de cette source épaisse y retombe englouti, et le monde entier pèse sur un point d'eau. Ainsi nous rencontrons en nous mêmes au hasard des années cet instant qui soutient la grandeur substantielle du monde, la vérité de l'immobile temps, nous, un reflet. "
Luc Dietrich. Emblèmes végétaux. Éditions Le temps qu' il fait.
18:32 Écrit par Paola Pigani dans Mon oeil, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : luc dietrich, emblèmes végétaux, Éditions le temps qu' il fait
28 septembre 2021
Un poème est passé.
Retour sur ce recueil collectif imaginé et composé par les poètes Thierry Renard et Yvon le Men au plus fort de la crise sanitaire que nous avons vécue en 2020.
"L'ÂME EN TRAVAUX DU MONDE "pour Paola Pigani
Au plus fort de l'orage il y a toujours un oiseau pour nous rassurer, c'est l'oiseau inconnu, il chante avant de s'envoler.
René CHAR
Car moi la Mère, mon fils (…) je dois nager vers toi les yeux ouverts.
Bénédicte GUILLOU
Nous cassons des serrures d'un simple coup de cœur.
James NOËL
Revenez-moi mes autres que je revienne à moi.
PEF
La peur donne des ailes mais seulement aux oiseaux.
Yvon le MEN
Oui Paola
l'âme du monde est en travaux.
La femme en nous connaît cet être en travail.
Quand le respir est rauque et que la vie advient.
Connaît le sang, n'ignore pas la déchirure.
La déchirure ou la plaie.
La contemporaine plaie irréparable.
Connaît le Nous communier
Connaît sa peine et son dénuement.
Connaît sa pauvreté.
Et peut-être, grâce à vous, son privilège.
Grâce à l'art de nouer et renouer encore.
Pour que vive, menacé et fragile,
Le Nous de la ville.
Le Nous des rues de votre ville
Celle où vous avez posé des fils.
Parié sur leur âme claire.
Oui Paola
l'âme du monde est en travaux.
Mais il y a l'oiseau
Son chant qui renoue
Paola renouée,
Paola renouante en son chant
Paola renouée des oiseaux.
Le cantus firmus d'un oiseau inconnu
Et qui chante avant de s'envoler.
Mais il y a le chant
Les mots du désordre et de la danse.
Mais il y a le chant
Mais il y a la parole du Poète
Que ne renonce à rien
Qui porte sur son front de Beauté la semblance
Qui ne renonce à rien hormis l'amer
L'amertume nous n'en ferons rien,
Ni vareuses ni gilets
Ni doublure à nos manteaux
Le chant de Lino comme une grue
Au dessus des rues de la ville.
Oui Paola
l'âme du monde est en travaux
Dans les rues de ta ville Paola
J'entends chanter ton père
Je l'entends tousser de la lumière
Chasser la brume
Et jeter dans le Rhône le secret de sa joie.
Oui parler répare
Oui chanter restaure
Nous n'en finirons pas de croire avec toi Paola
Aux invitations de la lune
Et au petit lait de l'aube.
Chacun se vide de soi, de sa crainte et de sa colère
Chacun s'emplit de pardon
Chacun s'emplit de Nous.
Soyons les éboueurs de l'âme
De ses fatras tristes.
Les co-vivants du lent avenir
Les co-videurs d'ordures
Il en pleut parfois sur la ville
Des gammées et des brunes.
Vidons, Vidons. Covid aidant.
Oui Paola
l'âme du monde est en travaux
Mais dans l'argile du Poème
Et comme débourbé de la mort
Apparaît le visage du frère
Son empreinte sans carbone
Sans caveau, sans cavité barbare.
Frères humains qui avec nous vivez
Par delà les barricades et les barrières
Avec Paola et vous
Non nous ne renonçons pas
A la puissance de la joie.
Celle venue des tréfonds où passe aussi la peine
Et le virus et l'angoisse
Et la souffrance des enfants qui ne jouent plus
Et l'âpre solitude des anciens dans les EHPAD.
La gueuse joie nègre
Qui rafistole les nuages
Qui fait des passes comme un ballon
Au pied des barres d'immeubles,
Qui congédie la peur
Et qui remet en jeu
Sans masque et sans Astrazeneca
Astrale et très certaine
Non virtuelle et tendrement incarnée"
Anne Miguet
10:02 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : un poeme est passé, yvon lemen, thierry renard, james noel, editions la rumeur libre, pef, b guilloux
25 septembre 2021
En passant
©paolapigani
Au seuil de l'automne
s'attacher à la lumière
remercier l'araignée
pour sa leçon éphémère
©paolapigani
16:52 Écrit par Paola Pigani dans Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : automne, araignée, éphèmère
22 septembre 2021
Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle
À propos de Et ils dansaient le dimanche, de Paola Pigani1
Szonja, chrysalide sur la route de la soie artificielle
Dans ce roman empathique, Paola Pigani réussit avec grâce et « sororité » à restituer le combat pour son émancipation d’une jeune ouvrière hongroise au cœur de la France des années 1930.
« L’immense façade blanche s’étire encore sur une centaine de mètres, et l’enfilade de grandes baies vitrées impressionne toujours autant. Un gigantesque paquebot de trois étages posé dans cette zone de Vaulx-en-Velin en pleine réhabilitation. Désormais, seuls « l’allée du textile » et le surnom du quartier – « le quartier de la soie » - rappellent le passé ouvrier des lieux et le poids industriel que l’usine Tase a eus dans la région lyonnaise durant des décennies. » C’est en ces termes que Pierre Petitcolin débute son récent article paru dans L’Humanité, consacré au 8e des 10 lieux de la mémoire ouvrière2, une des séries estivales du quotidien. Et c’est précisément le cadre qu’a choisi Paola Pigani pour son nouveau roman Et ils dansaient le dimanche.
Il nous plonge durant sept ans - entre 1929 et 1936 - dans l’histoire de Szonja, jeune femme hongroise. Elle quitte son pays natal, les travaux champêtres et la misère auxquels elle est promise, dans un train de l’espoir bondé de jeunes en quête d’une autre vie. Szonja partage cette aventure avec sa cousine Márieka : « Tous suivront la voie tracée dit-on par MM. Gillet et Chatain. De bon patrons les attendent en France, convoitant depuis 1923 une main d’œuvre servile et bon marché, qui ont cru en l’avènement de la viscose, cette soie artificielle dont se vêtent déjà à bas prix toutes les femmes d’Europe, dont on va pouvoir fabriquer les meilleurs parachutes pour la prochaine guerre3 ». Dès la première page, le décor est ainsi planté : ce sera le complexe industriel de la Sase (Soie artificielle du Sud-Est) qui prendra le nom de Tase en 1935 (Textile artificiel du Sud-Est).
À leur arrivée à la gare de Lyon-Perrache, Szonja et Márieka sont prises en charge –.comme de nombreuses autres travailleuses qui ont émigré - par les sœurs du Très-Saint-Sauveur qui dirigent un foyer catholique, l’hôtel Jeanne-d’Arc. Une institution créée en 1926 par Mme Gillet elle-même, l’épouse du grand patron. C’est que ce patronat paternaliste veille à tout pour mieux contrôler ainsi cette vaste cité industrielle (elle comptera jusqu’à 3 000 salariés). Une sorte de phalanstère cosmopolite composé de main d’œuvre principalement polonaise, italienne, hongroise, espagnole et française : « Elles se retrouvent dans un bouillon de langues et d’accents avec l’impression d’être dans un pays neuf, fusant de mille histoires.4 » Le travail est très pénible, l’amplitude journalière interminable. La santé est altérée par la manipulation de substances chimiques dangereuses sans les protections nécessaires, et par l’atmosphère empoussiérée et saturée d’humidité. « L’été à l’usine, on soupire dans la chaleur, les mains irritées de poussière humide, étourdis par les émanations chimiques, la sueur en collier défait jusqu’à la poitrine. Le rythme du turbin augmente la peine, peine du travail, peine du soleil invisible.5 »
Paola Pigani brosse par petites touches exemptes de misérabilisme et de manière très documentée le portrait de cette vie ouvrière avec sa main d’œuvre précaire, essentiellement immigrée. Au croisement permanent de l’Histoire sociale de la première moitié du XXe siècle et de l’histoire singulière d’une jeune Hongroise qui connaît aussi l’ennui des dimanches. « Aujourd’hui, Szonja regarde son petit dimanche s’égoutter à la fenêtre.6 » Un ennui perforé certains jours par les balades au-delà du quartier, au-delà même du château d’eau et des champs. Toujours plus loin, vers Villeurbanne ou Lyon que Szonja va s’autoriser à gagner au fil des années et de l’assurance conquise.
Car ce roman, c’est aussi et avant tout l’histoire d’une émancipation. La (re)naissance d’une jeune femme qui s’éveille à une conscience de classe et va participer aux luttes du milieu des années 30. Pour cela, la rencontre puis la proximité avec les ouvrières italiennes mieux organisées seront déterminantes. Face à la menace de la crise économique consécutive au krach boursier de 1929 et à celle des ligues factieuses (les répliques du 6 février 1934 ne sont pas oubliées), la lutte embrasse deux objectifs.
D’une part, se faire accepter par les ouvrières et ouvriers français –elle sera aidée par la rencontre de Jean qu’elle va épouser, ce qui lui permettra d’acquérir la nationalité française, même si cette union malheureuse sera une autre épreuve pour elle.
D’autre part, conquérir sa dignité d’ouvrière et dépasser sa solitude individuelle grâce à la solidarité au sein de la communauté de travail. À ce propos, l’effervescence des mois qui précédent le Front Populaire est propice aux luttes et l’usine Gillet connaîtra tous ces soubresauts, la solidarité organisée, les avancées sociales arrachées localement et amplifiées par les accords Matignon du 8 juin 1936.
Le roman s’achève dans un tour de valse effréné – la danse, comme métaphore de la liberté conquise et de la légèreté oublieuse des peines et du dur labeur. Il nous laisse imaginer une suite qui ne sera pas le Grand Soir au vu du cataclysme mondial en gestation. Cependant, Szonja sera sans doute mieux armée désormais pour affronter les pires épreuves.
Paola Pigani une fois encore sait nous rendre tout proches ses personnages, par une écriture fraternelle –« sororelle » – qui touche profondément. « En rêvant le personnage de Szonja, j’ai cherché à reconstituer la condition des viscosiers, dont on connaît peu de choses en définitive, loin des légendaires canuts de Lyon. Comme ma jeune Hongroise, j’ai posé le regard sur le quotidien de leur cité ouvrière.7» Un regard empli d’empathie pour ces gens de peu dont le combat afin de vivre debout et résister à tous les périls suscite le respect voire l’admiration.
Comment ne pas insister enfin sur la langue magnifique de Paola Pigani, une langue poétique8 qui transcende la condition modeste de Szonja et de ses camarades, et les métamorphose en héroïnes d’une épopée moderne. En exergue de son roman, l’auteure cite notamment Marina Tsvetaïeva9 :
« Mais la plus belle victoire sur le temps
et la pesanteur
c’est peut-être de passer
sans laisser de trace
de passer sans laisser d’ombre. »
En définitive, Paola Pigani n’a-t-elle pas réussi aussi la performance de nous permettre de discuter ces mots de la grande poétesse russe ?
Michel Laplace, 19-9-2021
1 Ėditions Liana Levi
2 Pierre Petitcolin, Quand l’usine Tase faisait la gloire de Vaulx-en-Velin, L’Humanité 11-8-2021
3 Paola Pigani, Et ils dansaient le dimanche p. 13, 4 p. 39, 5 p.172, 6 p 52
7 Document de présentation du roman, Ėd. Liana Levi
8 Paola Pigani est en effet romancière et nouvelliste… et poétesse
9 Marina Tsvetaïeva, Se faufiler, Insomnies et autres Poèmes, Après la Russie
Un grand Merci à Michel Laplace pour cet article sensible et profond
08:37 Écrit par Paola Pigani dans Cadeaux de lectrices et lecteurs, Et ils dansaient le dimanche, Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : et ils dansaient le dimanche, editions liana levi, michel laplace, pierre petitcolin, l'humanité, marina tsvetaïeva, se faufiler, insomnies et autres poèmes, après la russie
04 septembre 2021
La chaise de Van Gogh dans la revue Europe
Un grand merci à Michel Ménaché pour son bel article
paru dans le dernier numéro de la revue Europe consacré à Monsieur Vialatte!
Quelques années après la mort de Lino, son père, Paola Pigani lui rend un hommage sensible, d’une grande délicatesse. La chaise de Lino, à l’abandon dans un hangar, lui rappelle aussitôt celle de Van Gogh peinte sur la toile représentant la chambre n° 5 de l’auberge d’Auvers-sur-Oise. Le rapprochement pourrait paraître insolite mais tant de signes de l’un font écho au parcours de l’autre, des ciels d’exil à la couleur des blés : « le rire est ta paille / il vient du soleil récolté, / ta litière où tu laisses la fatigue / des jours heureux. »
Originaire de Trieste, le jeune Lino combat aux côtés des partisans. Captif des Oustachis -mercenaires des nazis-, jusqu’à leur défaite, la misère et la tuberculose le conduisent d’abord au sanatorium. Plus tard, de Wallonie en Charente où il deviendra paysan-ferrailleur : « Aller par les champs pour Vincent. / Aller aux champs pour Lino. / […] Une force solaire vous soulève le cœur. » Pour payer ses dettes Lino, récupère le cuivre des chutes de câbles électriques. Il les rassemble en « fagots ». « Rouille et rebuts du temps perdu. / Ferrailleur orpailleur, tu es. » Alchimie à main nue, Lino sait « changer le cuivre en terre » ! La propriété des Cosses est ingrate mais l’ardeur au travail est partagée par toute la famille -de cinq enfants-. Il faut débarrasser la terre de son excédent résurgent de pierres : « On va aux cailloux. […] Il faudra retourner aux cailloux. » Le langage du père, « paysan-ferrailleur-rieur », est mimé. Connivence joyeuse : « Tes mains parlent. Tes mais se taisent. / Tu sers le rire. » Les Cosses, c’est encore l’exil à l’étroit : « Notre ailleurs tient tout entier / dans le noir des bois. » Quand Paola atteint l’âge de partir, Lino rafistole la poignée de la vieille valise : « Je suis la fille de mon père. » Et quand la vie de Lino, à empoigner chaque jour, « le courage de l’aube », s’achève, la ferme change de mains, vendue à des Anglais qui lui donnent les couleurs d’une résidence campagnarde. C’en est fini des Cosses, des cailloux, de la sueur et des rires ! Nostalgie et tendresse.
Comme Vincent, Lino est enseveli en terre de France : « Mourir en France. Vos baisers à la terre. / La vie plantée là, même à l’envers. » Reste la chaise vide. Et ce magnifique poème d’amour filial qui exprime si justement ce que du vivant de Lino, Paola Pigani n’aurait osé ou su lui dire : « Que suffise le ciel sur tant de douleur et de beauté. »
Paola Pigani : La chaise de Van Gogh
Editions La Boucherie littéraire
Michel MÉNACHÉ
21:15 Écrit par Paola Pigani dans La chaise de Van Gogh, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paola pigani : la chaise de van gogh editions la boucherie litt, revue europe, michel ménaché
19 août 2021
L'infime
©paolapigani
"Bonheur de vivre à l'affût
d'être touché par l'infime"
Jacques Dupin
22:40 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : araignée, jacques dupin
05 août 2021
orage
©paolapigani
Les rues comme nous sont devenues bleues
les passants presque invisibles
sont des traces de mouvements
et nuit sur nuit on voit dedans
Henri Meschonnic
11:53 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : henri meschonnic, orage, lyon, la fosse aux ours
21 juillet 2021
La Renouée aux oiseaux dans la revue Dissonances
11:49 Écrit par Paola Pigani dans La renouée aux oiseaux, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la boucherie litteraire éditions, revue dissonances, nicolas le golvan, la renouée aux oieaux