03 avril 2017
Résidence d'écriture
©paolapigani
mon âme des dimanches frais
Jean Claude Pirotte
10:32 Écrit par Paola Pigani dans Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pirotte
31 mars 2017
Mio padre
Tout se durcit et dure
dans le présent de l’écriture
Il n’y a qu’un temps pour dire
Le nombre que nous sommes
Rien ne l’entame
Je m'atèle au silence des roses
au silence des pierres
Aux craquements de la maison vide
La malle est là descendue du grenier
sur le ciment de la cave
Est passé de la remise de la mémoire
à la zone de transit
Avec tout ce qui doit partir
vinaigriers vieux fusil Singer baratte à beurre bocaux vides
La malle en bois blanc
Vidée de la robe de mariée
vidée de vos lettres
Des percales de nourrisson
Des rêves de France
La malle qui n’a jamais fermé à clé
je ne suis pas diariste
peu m’importe d'écrire que sont éparpillés au pied de mon lit des collants roulés en boule , la forêt des renards perdus, glaneurs de rêves, partage des vivants et Rilke dans la pléiade
peu m'importe de faire savoir que j'avale une cuillère de pollen d'abeille chaque matin
aujourd'hui, j'ai pensé à toi devant la photo que j'avais collée dans une écorce de bouleau trouvée au bois des cosses à Cellefrouin
J'ai pensé à nous tous qui chantions bella ciao lorsque nous t'avons porté en terre
le plus jeune des enfants avait répété à l'orée du caveau ces mots qu'il ne comprenait pas
j'ai pensé à l'écho de cette voix d'enfant, à la croûte de polenta qu'on n'avait qu' à soulever pour y trouver tes souvenirs de partigiano,perdu dans le maquis à fuir les oustachis
aujourd'hui on m'a tendu un sarrau couleur ardoise qui m'allait bien au teint
je me suis glissée sur la planche
je suis entrée dans un tunnel
à travers le casque, des chansons anglaises essayaient de masquer le bruit de moissonneuse-batteuse de la machine
Imagerie à résonance magnétique
aujourd'hui j'ai fais un court voyage dans le noir
hier avec Marie nous sommes allées plus loin
nous avons parlé des rivages de nos pères, du Château d'If, de Trieste
nous avons remonté le boulevard Berthelot
nous avons croisé une manifestation CGT
la voiture balai diffusait Bella ciao
nous avons chanté dans le soleil
où volaient les cendres de nos pères
15:48 Écrit par Paola Pigani dans Le coeur des mortels, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bella ciao, savage rose
30 mars 2017
D'eux
©paolapigani
Il est seul dans la cour murée
avec un jouet dont bat
le ressort fatigué
une plume s'envole
qui s'en vient retomber
sur la terre où s'affrontent
les forces de l'amour
celles aussi de la peur.
Le mur étincelle
son faîte est recouvert
de ces gros tessons verts
arrêtant les voleurs.
Jean Follain. Exister. Éditions Gallimard, 1969
09:19 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : follain
17 mars 2017
Magnifique printemps des poètes suite
En ces jours de sacre du printemps des poètes, je voudrais saluer la poésie d’Anne Sibran à qui je dois le plus beau voyage qui m’ait été donné à vivre cet hiver à la lecture de l’enfance d’un chaman paru en janvier 2017 dans l’excellente collection Haute Enfance chez Gallimard.
Je suis l’enfant du fleuve
D’un peuple cent fois mort
Mais qui toujours renaît.
Le fils de l’homme à la sarbacane
Le grand souffleur d’oiseaux,
Le fils de la femme- fleur,
Mordue par le serpent.
Je suis l’enfant des ruisseaux
Sauvé par la loutre,
Lucero tanguila
Né le jour du volcan,
Le neveu de l’homme tigre,
Qui mord le cou des panthères
Et plante les enfants
Dans le ventre des femmes
Qui lui portent une soupe.
Je suis celui qui s’est dressé
Devant le fauve aux yeux luisants.
Celui dont la mort n’a pas voulu,
Ce soir,
Celui dont la mort ne voudra pas !
Dans ce magnifique récit entre conte et témoignage, j’apprends que la forêt amazonienne est aussi fertile de l’âme humaine que de l’âme animale, que la parole sacrée des indiens y chante et guérit .
J’apprends comment ce peuple enfoui tente de résister depuis des siècles aux prédateurs blancs, aux compagnies pétrolières.
Dans cette forêt, tout est signe, le chant de l’eau comme le chant des arbres. Anne Sibran est entrée, il y a plusieurs années dans la langue de ceux qui sont devenus siens, le Quechua, elle est entrée dans la réalité, l’histoire et l’âme de ce peuple en équateur où elle vit le plus souvent possible.
Le chaman me voyait toujours écrire, noter des choses dans mon carnet. Lui ne sait ni lire ni écrire, pour lui, l’écriture est de l’ordre de l’humiliation : dans le système équatorien, les gens qui ne savent pas lire ne sont pas respectés. Il me dit : « que mets-tu dans tes carnets ? » et comme il le dit fort, comme pour s’excuser, il me dit encore : « je n’ai pas les yeux pour le livre » et je lui réponds « si tu n’as pas les yeux pour le livre, moi je n’ai pas les yeux pour la forêt ».
Avoir grandi au milieu des arbres et des champs, avoir touché du bois toute mon enfance, avoir cru dans les arbres, du verbe croire et du verbe croître, me donne le droit d’affirmer qu’Anne Sibran révèle dans ce livre l’essence même de la forêt. Son écriture toute imprégnée de cette lymphe végétale donne au récit entier une respiration qui ne faiblit jamais .Une écriture vivante qui fait entrer en nous la parole de Lucero, cet enfant chaman donné à la forêt, aux tigres, aux biches rouges, au fleuve, au volcan, apparu dans un corps d’homme, disparu dans la bête, ressurgi dans l’humain pour n’en sauver ni l’apparence ni la vanité mais pour que la forêt continue d’exister, inviolable.
Plonger de la falaise, c’est entrer d’abord dans cette tiédeur saturée de parfums : l’haleine de la forêt. Il y a toujours cette expiration un peu tiède qui flotte au-dessus des arbres et qui se montre parfois, dans une brume effilochée.
Mais, perçant le rideau des feuilles, la lumière s’interrompt. L’air s’épaissit. Les odeurs viennent cogner lourdement et repartent. La terre lui faiblement comme un ciel renversé.
Et partout cette musique, tendue les branches, dans les fils de lumière et dans les gorges d’ombre : cette vibration portée de gueule en gueule, amplifiée aux froissements d’un élytre, d’un cri rauque, d’un roulement dans le cou d’un oiseau.
A chaque instant la forêt est épaisse de ce qu’elle s’apprête à dire, ou bien de ce qu’elle tait. Tout parle, sous les mousses, au coude d’un vieil arbre. Même le parfum au ventre de la fleur est un mot prononcé.
Cette acoustique singulière, cette luisance mystérieuse sur le dos des rochers, n’existent pas partout avec la même insisté dans la forêt, mais seulement dans certains endroits, où l’homme n’aura plus le droit de pénétrer par la suite. Ce sont les portes, ces passerelles entre les mondes, où habitent les esprits.
Je ne peux que vous recommander de venir écouter Anne Sibran ce soir!
ENFANCE D'UN CHAMAN
RENCONTRE - DISCUSSION
Anne Sibran
Vendredi 17 mars à 19h
Librairie Raconte moi la terre
14 rue du Plat 69002 Lyon
07:00 Écrit par Paola Pigani dans Des livres, Poésie, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne sibran, raconte moi la terre, l'enfance d'un chaman
16 mars 2017
Magnifique printemps des poètes
PRIX RENÉ LEYNAUD : GABRIEL DE RICHAUD
Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Espace Berthelot, 14 avenue Berthelot, Lyon 7e
Jeudi 16 mars, 18h30
René Leynaud était un journaliste, poète et résistant lyonnais, ami d’Albert Camus, mort fusillé pour actes de résistance à Villeneuve. Depuis 3 ans, un prix à son nom récompense un ouvrage de poésie contemporaine porteur d’un souffle de résistance, écrit par un poète émergent.
Le lauréat Gabriel de Richaud donnera une lecture d’extraits de son recueil récompensé Une vie pour Camille (La Crypte, 2016). Remise du prix par Emmanuel Merle, en présence des membres du jury. introduction par Patrice Béghain, auteur de l’anthologie Poètes à Lyon au 20e siècle (La passe du vent). événement organisé par l’Espace Pandora, en partenariat avec le CHRD.
Entrée libre sur réservation : 04 78 72 23 11
Le magnifique printemps continue jusqu'au 26 mars!
08:33 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gabriel de richaud, prix réné leynaud
14 mars 2017
Les chantiers du silence
Je m’appelle José, je m’appelle Moktar
Je m’appelle Lino, je m’appelle Mirko
Aujourd’hui, j’ai laissé mes chaussures de chantier sur un trottoir
Je suis parti pieds nus à la recherche de Molière.
©paolapigani
Ceci n’est pas un poème
La clause Molière voudrait éviter le recours abusif aux travailleurs détachés.
Qui fera la ronde sur les chantiers ?Des vigiles blanchis, des fonctionnaires ? Pour dénoncer qui ?Les chefs d’entreprises du BTP ?Les ouvriers ?Le français devient-il une nouvelle frontière, un mur de la honte que ne doivent plus franchir les travailleurs des Balkans , du Maghreb, de l’Europe entière, les travailleurs pas chers, qui ont assuré la santé du BTP depuis des décennies pour ne pas dire un siècle ?
le port du casque est obligatoire
le port des chaussures de chantier est obligatoire
le port du gilet de sécurité est obligatoire
Le port de la langue Française est obligatoire
Le port des papiers est obligatoire
Faudra-t-il avoir aussi des mains blanches ?
Faudra-t-il faire preuve de transparence ?
Faudra-t-il finir pas être muet ?
N’avoir qu’un corps
Bouche cousue et langue des signes
Travailleurs détachés quelle est cette langue essoufflée, technocratique qui use de tels mots pour désigner ceux qui depuis des lustres ont bâti les cités, les hôpitaux, les universités et continueront, venus de toute part à monter des murs, des barrages, des usines, des prisons ?
Les travailleurs immigrés des trente glorieuses sont devenus travailleurs détachés depuis peu, bientôt on fondra leur identité même dans une nouvelle expression, exécuteurs patentés, reconnus aptes au français, reconnus aptes à exécuter leurs tâches, reconnus aptes à ne rien dire.
Les maçons de la Creuse , les italiens, les arabes ,les portugais les polonais les français avec leur argot, n’ont-ils coulé que leur force et leur fatigue dans le ciment, le mortier , la boue des chantiers ?
De quoi étaient - ils détachés, eux ?De la guerre , de la misère, de l'économie de marché ?
N’ont - ils pas injecté dans la langue de Molière ce qu’il faut pour qu’elle ne meurt pas d’anémie : le patois, l’argot, la langue des soupirs, de la colère, les jurons, la poésie , une langue qui rit ,qui gueule, qui a recours à la langue du pays pour résister à toutes fatigues et toutes les humiliations ?
Audiberti, Cavana, Thierry Metz , Erri De Luca et tant d’autres l’ont entendu cette langue des chantiers, ils l’ont portée, l’ont secouée, l’ont rendue car elle témoigne de le vitalité de notre langue à tous .
Tu sais que toujours
un parmi nous
s'absente
pour habiter sa clarté
sa langue
poète ou manœuvre
convives d'un mot
illuminé
Thierry Metz
Journal d'un manoeuvre
Thierry Metz
15:44 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : clause molière, thierry metz, erri de luca, cavanna
10 mars 2017
Amico
Je crois que le jour baissait
et je me suis surpris
par crainte du futur
à nommer les ombres
Giani Esposito
13:18 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : giani esposito
07 mars 2017
Un ticket pour la nuit
En mars les nuits sont encore fraiches mais le printemps des poètes dure un peu.
J'ai entre les mains un recueil à couverture noire : Nuit grave le titre est glacé comme un biscuit au café
et je m'offre un ticket pour la nuit
j'enfile une veste, je vais voir ailleurs si j'y suis
il suffit de laisser les choses se faire, d'oublier les berceuses
Dans ce petit opus, il est question de lumière, pas de celle qu'on trouve dans les beaux poèmes remisés en anthologie de poésie française, non, il est question de lumière électrique, notre seul bien commun.
On collectionne les veilleuses
on a peur mais on ne veut pas que ça se sache
même si cela se voit
Entre les murs, il y a la musique, le bruit des autres, des draps sans qualité
un somnambule dans la pièce
et c'est mon frère
Il est aussi question de chacun de nous, d'un tunnel qui cache bien plus qu'un tunnel. Même les rues changent de nom où des chevaux cavalent. Mais rassurez-vous, vous serez riche à l'aurore.
quand sait-on que c'est la nuit?
quand on ne sait plus s'il faut sauver sa peau
ou
s'apprêter à en changer?
quand on plie notre ancienne
peau
qu'on la laisse reposer sur un valet
et que l'on ferme la porte de la chambre
pour empêcher le chat de venir griffer
ce qui pend?
Lisez ou relisez Frédérick Houdaer
Je suis jalouse de ses titres (engeances, engelures, angiomes, pardon my french, fire notice...etc) et je garde certains de ses poèmes comme des tickets de caisse. Je ne les vérifie jamais mais ils attestent de morceaux de vie réelle.
23:08 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : frédérick houdaer, la boucherie littéraire, nuit grave
20 février 2017
Au nord du futur
Des poètes vivants existent, je lis souvent leurs recueils sans prendre le temps d'écrire trois lignes .
Aujourd'hui, je me dis trois lignes, ce n'est pas la mort .
Il s'agit du dernier livre de Christophe Manon qui donne à lire une poésie sans échafaudages, on s'agrippe à la langue comme on peut, à l'imparfait du présent;pas de majuscule, pas d'effet de beau.je lis en apnée car le rythme le veut et j'entre dans ces textes poétiques autant que politiques pour trouver un monde qui est le mien et qui s'en va pourtant, qui est déjà parti;Je suis désorientée au nord du futur.
NOUS SOMMES ALLES sommes
allés au devant de nous-mêmes ne craignant ni la fatigue ni
les épreuves nous cherchons asile pour nos exils intérieurs des replis
stratégiques traversant des nuits plus nocturnes que la nuit tel
qui marche et déploie son pas nous avons vu
les usines désaffectées vu
les industries pétrochimiques usines à gaz centrales électriques
réacteurs nucléaires
la domestication des êtres le contrôle des flux migratoires le bitume
brûle nos semelles respirer
non pas un renoncement respirer
sans heurts sans déchirement de temps certains
attendaient la promesse de nouveaux
possibles mais personne jamais
N'est venu personne
n'a déclenché l'alarme
Christophe Manon au Nord du Futur Editions nous, 2016
19:25 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christophe manon, au nord du futur, editions nous
17 février 2017
Chez nous
©paolapigani
Chez nous
46% des pies-grièches écorcheurs ont disparu ces dix dernières années
Mais
sur toute l'agglomération
Nous avons tous un rat chacun
A Grange blanche
Un ginko a laissé tous ses écus
Sur la chaussée humide
Un homme trace sa journée
L'attaché case bat son flanc
Ville ville
Berce le chaudement car il a froid
Il a deux trous rouges au fond des yeux
©paolapigani
21:39 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)