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30 mars 2017

D'eux

DSC_0157.jpg©paolapigani

 

 

Il est seul dans la cour murée
avec un jouet dont bat
le ressort fatigué
une plume s'envole
qui s'en vient retomber
sur la terre où s'affrontent
les forces de l'amour
celles aussi de la peur.
Le mur étincelle
son faîte est recouvert
de ces gros tessons verts
arrêtant les voleurs.

Jean Follain. Exister. Éditions Gallimard, 1969

 

 

09:19 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : follain

17 mars 2017

Magnifique printemps des poètes suite

 

En ces jours de  sacre du printemps des poètes, je voudrais saluer  la poésie d’Anne Sibran  à qui je dois le plus beau voyage qui m’ait été donné à vivre cet hiver à la lecture de l’enfance d’un chaman paru en janvier 2017 dans l’excellente collection Haute Enfance chez  Gallimard.

 

Je suis l’enfant du fleuve

D’un peuple cent fois mort

Mais qui toujours renaît.

Le fils de l’homme à la sarbacane

Le grand souffleur d’oiseaux,

Le fils de la femme- fleur,

Mordue par le serpent.

Je suis l’enfant des ruisseaux

Sauvé par la loutre,

Lucero tanguila

Né le jour du volcan,

Le neveu de l’homme tigre,

Qui mord le cou des panthères

Et plante les enfants

Dans le ventre des femmes

Qui lui portent une soupe.

Je suis celui qui s’est dressé

Devant le fauve aux yeux luisants.

Celui dont la mort n’a pas voulu,

Ce soir,

Celui dont la mort ne voudra pas !

Dans ce magnifique récit entre conte  et  témoignage, j’apprends que la forêt amazonienne  est aussi fertile de  l’âme humaine  que de l’âme animale,  que la parole sacrée des indiens   y chante et guérit .

J’apprends comment ce peuple enfoui tente de résister depuis des siècles aux prédateurs blancs, aux compagnies pétrolières.

Dans cette forêt, tout est signe, le chant de l’eau comme le chant des arbres. Anne Sibran est entrée, il y a plusieurs années dans la langue de ceux  qui sont devenus siens, le Quechua, elle est entrée dans la réalité, l’histoire et l’âme de ce peuple en équateur où elle vit le plus souvent possible.

Le chaman me voyait toujours écrire, noter des choses dans mon carnet. Lui ne sait ni lire ni écrire, pour lui, l’écriture est de l’ordre de l’humiliation : dans le système équatorien, les gens qui ne savent pas lire ne sont pas respectés. Il me dit : « que mets-tu dans tes carnets ? » et comme il le dit fort, comme pour s’excuser, il me dit encore : « je n’ai pas les yeux pour le livre » et je lui réponds « si tu n’as pas les yeux pour le livre, moi je n’ai pas les yeux pour la forêt ».

Avoir  grandi au milieu des arbres et des champs, avoir  touché du bois toute mon enfance, avoir cru dans les arbres, du verbe croire et du verbe croître, me donne le droit d’affirmer qu’Anne Sibran   révèle  dans ce livre  l’essence même de la forêt. Son écriture  toute imprégnée de cette lymphe végétale  donne au récit entier une respiration qui ne faiblit jamais .Une écriture vivante qui fait entrer en nous  la parole de Lucero, cet enfant chaman donné à la forêt, aux tigres, aux biches rouges, au fleuve, au volcan,  apparu dans un corps d’homme, disparu dans la bête, ressurgi dans l’humain pour n’en sauver ni l’apparence ni la vanité  mais pour que la forêt continue d’exister, inviolable.

Plonger de la falaise, c’est entrer d’abord dans cette tiédeur saturée de parfums : l’haleine de la forêt. Il y a toujours cette expiration un peu tiède qui flotte au-dessus des arbres et qui se montre parfois, dans une brume effilochée.

Mais, perçant le rideau des feuilles, la lumière s’interrompt. L’air s’épaissit. Les odeurs viennent cogner lourdement et repartent. La terre lui faiblement comme un ciel renversé.

Et partout cette musique, tendue les branches, dans les fils de lumière et dans les gorges d’ombre : cette vibration portée de gueule en gueule, amplifiée aux froissements d’un élytre, d’un cri rauque, d’un roulement dans le cou d’un oiseau.

A chaque instant la forêt est épaisse de ce qu’elle s’apprête à dire, ou bien de ce qu’elle tait. Tout parle, sous les mousses, au coude d’un vieil arbre. Même le parfum au ventre de la fleur est un mot prononcé.

Cette acoustique singulière, cette luisance mystérieuse sur le dos des rochers, n’existent pas partout avec la même insisté dans la forêt, mais seulement dans certains endroits, où l’homme n’aura plus le droit de pénétrer par la suite. Ce sont les portes, ces passerelles entre les mondes, où habitent les esprits.

Je ne peux que vous recommander de venir écouter Anne Sibran  ce soir!

 

 

ENFANCE D'UN CHAMAN
RENCONTRE - DISCUSSION
Anne Sibran
Vendredi 17 mars à 19h

Librairie Raconte moi la terre

14 rue du Plat 69002 Lyon 

Anne Sibran, Raconte moi la terre, L'enfance d'un chaman

16 mars 2017

Magnifique printemps des poètes

 

PRIX RENÉ LEYNAUD : GABRIEL DE RICHAUD

 

 

 

Gabriel de Richaud

Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Espace Berthelot, 14 avenue Berthelot, Lyon 7e

Jeudi 16 mars, 18h30

 



René Leynaud était un journaliste, poète et résistant lyonnais, ami d’Albert Camus, mort fusillé pour actes de résistance à Villeneuve. Depuis 3 ans, un prix à son nom récompense un ouvrage de poésie contemporaine porteur d’un souffle de résistance, écrit par un poète émergent.
Le lauréat Gabriel de Richaud donnera une lecture d’extraits de son recueil récompensé Une vie pour Camille (La Crypte, 2016). Remise du prix par Emmanuel Merle, en présence des membres du jury. introduction par Patrice Béghain, auteur de l’anthologie Poètes à Lyon au 20e siècle (La passe du vent). événement organisé par l’Espace Pandora, en partenariat avec le CHRD.

 


Entrée libre sur réservation : 04 78 72 23 11

Le magnifique printemps continue jusqu'au 26 mars!

08:33 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gabriel de richaud, prix réné leynaud

14 mars 2017

Les chantiers du silence

 

 

Je m’appelle José, je m’appelle Moktar

Je m’appelle Lino, je m’appelle Mirko

Aujourd’hui, j’ai laissé mes chaussures de chantier sur un trottoir

Je suis parti pieds nus à la recherche de Molière.

 

 

 

 

Clause Molière, Thierry Metz, erri De Luca, Cavanna©paolapigani

 

 

 

 

Ceci n’est pas un poème

 

 

La clause Molière voudrait éviter le recours abusif aux travailleurs détachés.

Qui fera la ronde sur les chantiers ?Des vigiles blanchis, des fonctionnaires ? Pour dénoncer  qui ?Les chefs d’entreprises du BTP ?Les ouvriers ?Le français devient-il une nouvelle frontière, un mur de la honte que ne doivent plus franchir les travailleurs des Balkans , du Maghreb, de l’Europe entière, les travailleurs pas chers,  qui ont  assuré la santé du BTP depuis des décennies pour ne pas dire  un siècle ?

le port du casque est obligatoire

le port des chaussures de chantier est obligatoire

le port du gilet de sécurité est obligatoire

Le port de la langue Française est obligatoire

Le port des papiers est obligatoire

Faudra-t-il avoir aussi des mains blanches ?

Faudra-t-il faire preuve de transparence ?

Faudra-t-il finir pas être muet ?

N’avoir qu’un corps

Bouche cousue et langue des signes

Travailleurs détachés quelle est cette langue essoufflée, technocratique qui use de tels mots  pour désigner ceux qui depuis des lustres ont bâti les cités, les hôpitaux, les universités  et continueront, venus de toute part à monter des murs, des barrages, des usines, des prisons ?

Les travailleurs immigrés des trente glorieuses sont devenus travailleurs détachés depuis peu, bientôt on fondra leur identité même  dans une nouvelle expression, exécuteurs patentés, reconnus aptes au français, reconnus aptes à exécuter leurs tâches, reconnus aptes à ne rien dire.

Les maçons de la Creuse , les italiens, les arabes ,les portugais  les polonais les français avec leur argot, n’ont-ils  coulé que leur force et leur fatigue dans le ciment, le mortier , la boue des chantiers ?

De quoi étaient - ils détachés, eux ?De la guerre , de la misère, de l'économie de marché ?

N’ont - ils pas injecté dans la langue de Molière ce qu’il faut pour qu’elle ne meurt pas d’anémie :  le patois, l’argot, la langue des soupirs, de la colère, les jurons, la poésie , une langue qui rit ,qui gueule, qui a recours à la langue du pays pour résister à toutes fatigues et toutes  les humiliations ?

Audiberti, Cavana, Thierry Metz , Erri De Luca et tant d’autres  l’ont entendu cette langue des chantiers, ils l’ont portée, l’ont secouée, l’ont rendue car elle témoigne de le vitalité de notre langue à tous .

 

 

Tu sais que toujours

 

un parmi nous

 

s'absente

 

pour habiter sa clarté

 

sa langue

 

poète ou manœuvre

 

convives d'un mot

 

illuminé

 

 

Thierry Metz

Journal d'un manoeuvre

 

 

 

Clause Molière, Thierry Metz, erri De Luca, CavannaThierry Metz

15:44 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : clause molière, thierry metz, erri de luca, cavanna

10 mars 2017

Amico

  

Giani Esposito.jpg

 

 Je crois que le jour baissait 

et je me suis surpris

par crainte du futur

à nommer les ombres

Giani Esposito 

 

 

13:18 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : giani esposito

07 mars 2017

Un ticket pour la nuit

 

En mars les nuits sont encore fraiches mais le printemps des poètes dure un peu.

J'ai entre les mains un recueil à couverture noire : Nuit grave  le titre est glacé comme un biscuit au café

et je m'offre un ticket pour la nuit

j'enfile une veste, je vais voir ailleurs si j'y suis

il suffit de laisser les choses se faire, d'oublier les berceuses

 Dans ce petit opus, il est question de lumière, pas de  celle qu'on trouve dans les beaux poèmes remisés en anthologie de poésie française, non, il est question de lumière électrique, notre seul bien commun.

On collectionne les veilleuses

on a peur mais on ne veut pas que ça se sache

même si cela se voit

Entre les murs, il y a la musique, le bruit des autres, des draps sans qualité

 un  somnambule dans la pièce

 et c'est mon frère

Il est  aussi question  de chacun de nous, d'un tunnel qui cache bien plus qu'un tunnel. Même les rues changent de nom où des chevaux cavalent. Mais rassurez-vous, vous serez riche à l'aurore.

 

quand sait-on que c'est la nuit?

quand on ne sait plus s'il faut sauver sa peau

ou

s'apprêter à en changer?

quand on plie notre ancienne

peau

qu'on la laisse reposer sur un valet

et que l'on ferme la porte de la chambre

pour empêcher le chat de venir griffer

ce qui pend?

 

Lisez ou relisez Frédérick Houdaer

Je suis jalouse de ses titres (engeances, engelures, angiomes, pardon my french, fire notice...etc)  et je garde certains de ses poèmes comme des tickets de caisse. Je ne les vérifie jamais mais ils attestent de morceaux de vie réelle.

 

 

20 février 2017

Au nord du futur

 

Des poètes vivants existent, je lis souvent leurs recueils sans prendre le temps d'écrire trois lignes . 

Aujourd'hui, je me dis trois lignes, ce n'est pas la mort .

Il s'agit du dernier livre de Christophe Manon qui donne à lire une poésie sans échafaudages, on s'agrippe à la langue comme on peut, à l'imparfait du présent;pas de majuscule, pas d'effet de beau.je lis en apnée car le rythme le veut et j'entre dans ces textes poétiques autant que politiques pour trouver un monde qui est le mien et qui s'en va pourtant, qui est déjà parti;Je suis désorientée au nord du futur.

 

 NOUS SOMMES ALLES sommes

allés au devant de nous-mêmes ne craignant ni la fatigue ni

les épreuves nous cherchons asile pour nos exils intérieurs des replis

stratégiques traversant des nuits plus nocturnes que la nuit tel

 qui marche et déploie son pas nous avons vu

les usines désaffectées vu

les industries pétrochimiques usines à gaz centrales électriques

 réacteurs nucléaires

la domestication des êtres le contrôle des flux migratoires le bitume

brûle nos semelles respirer

non pas un renoncement respirer

sans heurts sans déchirement de temps certains

attendaient la promesse de nouveaux

possibles mais personne jamais

N'est venu personne

n'a déclenché l'alarme  

 

Christophe Manon au Nord du Futur Editions nous, 2016

 

 

  

 

 

 

 

19:25 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christophe manon, au nord du futur, editions nous

17 février 2017

Chez nous

 

Mon petit rat.jpg©paolapigani

 

Chez nous

 

46% des pies-grièches écorcheurs ont disparu ces dix dernières années

Mais

sur toute l'agglomération

Nous avons tous un rat chacun

 

A Grange blanche

Un  ginko a laissé tous ses écus

Sur la chaussée humide

Un homme trace sa journée

L'attaché case bat son flanc

Ville ville

Berce le chaudement car il a froid

Il a deux trous rouges au fond des yeux

 ©paolapigani

 

 

21:39 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

13 février 2017

Frère

 

 

 

 

 

 

Je ne suis ni tzigane ni gitan

Je ne suis pas rom

Je ne suis qu’un homme

Qui rêve en marchant

 

Frère de ceux qui traqués

Sans cesse se retrouvent

Par des chemins détournés

Frère de ceux qui souffrent

 

Et des enfants édentés

Au rire miraculeux

 

Jean- Claude Pirotte  Vaine pâture Edition Mercure de France

 

23:26 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean- claude pirotte

04 février 2017

Ressemblance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La scie va dans le bois,
Le bois est séparé

Et c'est la scie
Qui a crié.

                                                                                                              Guillevic

20:07 Écrit par Paola Pigani dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillevic